Publié dans Fantasy, PLIB 2023

Le chant des géants – David Bry #PLIB2023

De quoi ça parle ?

Entrez, entrez.
[…]
Je vais vous raconter une histoire.
Celle de notre île d’Oestant où dorment trois géants : Baile, aux rêves de mort et de musique, Leborcham, mère du brouillard, des collines et des plaines, et enfin le puissant Fraech aux songes de gloire et de batailles.
Je vais vous parler de guerres, d’amour et de trahisons?; de cris, de sang et de larmes.
Je vais vous parler de grands espoirs, de ce qui est vain. De ce qui meurt.
Alors, fermez les yeux.
Laissez-vous aller.
Voilà.

Mon histoire commence sur la lande, en bord de mer, dans le château de l’étrange roi Lothar.

Et c’est bien ?

Depuis le temps que je souhaitais découvrir David Bry, la présence du Chant des géants parmi les cinq finalistes du PLIB a été pour moi l’occasion de jeter enfin un oeil à un texte de l’auteur. Je suis partie sur un a priori plutôt positif : les inspirations nordiques et le parti pris d’une narration à la manière d’un barde, d’un conte oralisé dont le lecteur serait l’auditeur direct me plaisait assez. Malheureusement, quelques petits bémols sont venus émailler ma lecture, que je n’ai pas terminée aussi enthousiaste que je l’aurais souhaité.

L’auteur a des talents de conteur, c’est indéniable. L’arrière-fond un peu nordique est très plaisant, les noms pas mal inspirés du haut moyen-âge m’ont forcément parlé. Les personnages sont plutôt attachants et c’est, je crois, ce qui a fait que je n’ai pas lâché ma lecture en cours de route malgré les points qui m’ont chiffonnée : je voulais savoir ce qu’il leur arriverait.

Un de mes premiers reculs est sûrement dû au temps du récit. Je n’y peux rien, j’y arrive de moins en moins avec les narrations au présent. Je trouve souvent cela peu justifié et mal maîtrisé, et en général c’est un élément qui me hérisse dès les premières lignes. Pour moi c’est une pratique facile, qui force l’immersion émotionnelle du lecteur plutôt que de le laisser se couler dans l’univers proposé.

Ceci dit, dans ce cas précis du Chant des géants, je dois concéder que le procédé se marie plutôt bien avec l’idée de récit direct. Il n’empêche que je trouve que le présent donne souvent une tonalité qui ne me plaît pas quand je lis ces textes, ici cela accentue l’effet dramatique du récit. A l’instar de Meute de Karine Rennberg, il y a un côté un peu pathos qui en ressort, qui me devient rapidement insupportable. Le style haché ne m’a pas aidée à surmonter ce premier blocage.

Deuxième point principal qui m’a embêtée : la façon dont la tragédie est mise en scène. J’ai trouvé les motivations des personnages très artificielles, certaines scènes assez cliché, notamment l’histoire d’amour et la façon dont elle est présente à travers des phrases répétées ; ces éléments ont fait perdre leur crédibilité aux personnages et aux enjeux. Je l’ai dit en début de chronique, le côté drama, j’ai du mal. Je crois à la réflexion que là où la tragédie donne une place énorme aux sentiments – des personnages et du lecteur – , il m’a manqué, ici, une part de réflexion humaine, un équilibre entre ces deux éléments.

Une déception donc, d’autant plus dommage que j’étais très emballée sur la première moitié du récit, puis tout s’est délité au gré de la deuxième. J’essaierai sûrement d’autres bouquin de l’auteur par contre, parce que je reste curieuse.

Note : 2 sur 5.

#PLIB2023
#PLIB2023A
#ISBN9782918541752

Publié dans Fantasy, PLIB 2023, Policier, Science-fiction

Metalya entre les mondes – Patrick Moran #PLIB2023

De quoi ça parle ?

Metalya est l’une des nombreuses pacificatrices de la cité de Tal Emmerak. Son boulot, c’est des enquêtes, si possibles pas trop compliquées et bien payées, ce qui, dans un cas comme dans l’autre, n’arrive pas souvent.

Lorsqu’un riche client la contacte pour lui demander d’enquêter sur la mort de sa femme, Metalya accepte à reculons, appâtée par l’argent. La pacificatrice découvre rapidement que cette femme était une scientifique de renom qui travaillait pour l’Institut Voqer-naag, dans un département spécialisé dans ces nouvelles sciences autrefois appelées « magie ». Bien vite, tout semble se liguer contre Metalya. Armée de quelques éclats – ces petits objets capables d’influer sur la réalité – et de son livre fétiche, elle va braver tous les obstacles que l’on va mettre sur son chemin et découvrir la vérité entre les mondes.

Et c’est bien ?

Un texte sympathique mais qui ne restera pas parmi mes lectures mémorables. Si cette aventure n’est pas dénuée de qualité, un manque de rythme et la narration particulière ne m’ont pas permis une immersion satisfaisante.

L’auteur met en scène une cité tentaculaire, prise en sandwich géopolitique par deux états voisins. On y découvre des paysages idylliques dignes de cités balnéaires de carte postale : plages, touristes, couchers de soleil et odeurs de churros sont au rendez-vous. On sent très vite la volonté de l’auteur de proposer une aventure enlevée et pêchue à travers un ton de narration sarcastique. A priori des ingrédients qui me plaisent.

Pour autant, j’ai eu du mal à entrer dans l’histoire. J’ai trouvé la première moitié du récit assez froide. L’histoire prend rapidement l’allure d’une enquête policière assez classique. Malgré le fait que le récit nous soit servi à travers le franc-parler de Metalya, le rythme est assez mou. On coche un parcours d’investigation lambda et sans surprise, dans son déroulé comme dans les protagonistes rencontrés. Plus gênant encore à mes yeux : Metalya se met à faire ses hypothèses et à mouliner les éléments de l’enquête à la place du lecteur. On suit son cheminement intérieur et j’ai trouvé désagréable qu’elle fasse ce travail à ma place, là où j’aurais aimé que l’auteur nous donne davantage à manger sur ses personnages ou la cité de Tal Emmerak.

Par ailleurs, c’est une réflexion que je me suis faite en lisant cet ouvrage : j’ai de plus en plus de mal avec les enquêtes en SFFF si ces deux éléments ne se révèlent pas utiles à l’histoire. Les ficelles des histoires policières je les connais par coeur, et si, comme pour la SF, elles ne m’apportent pas d’éléments intéressants de réflexion sur notre société ou la psyché humaine, je ne vois pas d’intérêt autre que le divertissement. Alors certes, je lis pour me divertir, mais j’aime avoir – même juste un peu – de la consistance. Ici, l’auteur apporte du grain à moudre, et je retiens particulièrement une page que j’ai trouvée brillante sur la justice et la notion de réparation. Le problème, c’est que c’est anecdotique et que j’aurais aimé que ces moments de brève réflexion émaillent davantage le texte. Le background est travaillé mais on reste trop en surface à mon goût, sur la géopolitique de Tal Emmerak, sur les services (non) publics par exemple.

Il en va de même pour les découvertes de Metalya. Difficile de faire des révélations qui détonnent quand les schémas mis en scène ne sont pas neufs, et en – fut un temps – fan de Fringe, au final j’ai eu une impression de soufflé qui retombe. Tout du long, en raison de ce rythme et thèmes balbutiants, j’ai vraiment une impression de premier roman – bien que l’auteur ait pourtant écrit d’autres textes précédemment.

Pour autant, l’univers a du potentiel et serait intéressant à développer, et éventuellement retrouver Metalya dans d’autres aventures pourrait être plaisant. J’ai particulièrement aimé un personnage : Monsieur Octopus, on sent dès les premières lignes qu’il a le potentiel d’une mascotte. La lecture, bien qu’en dents de scie, ne m’a pas été désagréable. Je suis simplement un peu déçue qu’elle soit bien des les clous des schémas que le texte adopte, il m’a clairement manqué une petite étincelle de quelque chose.

Note : 2.5 sur 5.

#PLIB2023
#PLIB2023A
#ISBN9782354089887

Publié dans Fantastique, Fantasy, Historique

Trilogie d’une nuit d’hiver, tome 1 : L’ours et le rossignol – Katherine Arden

De quoi ça parle ?

Au plus froid de l’hiver, Vassia adore par-dessus tout écouter, avec ses frères et sa sœur, les contes de Dounia, la vieille servante. Et plus particulièrement celui de Gel, ou Morozko, le démon aux yeux bleus, le roi de l’hiver. Mais, pour Vassia, ces histoires sont bien plus que cela. En effet, elle est la seule de la fratrie à voir les esprits protecteurs de la maison, à entendre l’appel insistant des sombres forces nichées au plus profond de la forêt. Ce qui n’est pas du goût de la nouvelle femme de son père, dévote acharnée, bien décidée à éradiquer de son foyer les superstitions ancestrales.

Et c’est bien ?

Un ouvrage dans lequel j’ai eu bien du mal à me couler, mais que je ne regrette pas de m’être acharnée à lire, il fait partie de mes meilleures lectures de l’année pour l’instant.

L’entrée dans le texte m’a été plutôt laborieuse. La mise en place prend son temps ; le lecteur est plongé dans le quotidien d’une famille de seigneur terrien de la Rus’ médiévale. On y découvre leurs liens avec le pouvoir, l’enfance de Vassilissa, la plus jeune fille, qui semble avoir hérité d’étranges pouvoirs maternels, ainsi que les différentes créatures qui peuplent leurs environs. La touche surnaturelle est particulièrement ténue et l’application avec laquelle l’autrice pose son décor m’a parue un peu longue malgré les qualités multiples de ces détails.

Katerine Arden connaît manifestement très bien l’histoire et le folklore slaves et il m’a été d’un réel plaisir de découvrir la Russie du 14e siècle, son paysage géopolitique, et surtout, ce qui va faire point de tension dans le texte, toutes les ficelles liées à la religion et à la culture païenne. C’est d’ailleurs cet élément, et la bascule qui s’opère vers le milieu du texte, qui a raccroché mon intérêt pour cette lecture. L’autrice se sert à merveille des ficelles qui opposent le christianisme au folklore, à travers l’arrivée d’un prêtre dans la famille de Vassilissa – Vassilissa qui semble capable de voir les multiples petits démons qui habitent et nourrissent son environnement.

Outre le fait que la prose de Katerine Arden se tient très bien et se lit avec plaisir, le mélange de contes et d’éléments banals qui progressivement trouvent un point d’orgue dans cette lutte spirituelle devient vite passionnant. Lutte qui opposent une religion coupée de son environnement, de la nature des hommes et des bêtes, à des croyances ancrées dans un réel que l’on ne comprend pas toujours, mais avec lequel l’homme vit en harmonie en en acceptant autant le positif que le négatif.

Le dernier tiers verse complètement dans la fantasy option contes et onirisme et relie les fils que l’autrice a tissés avec patience depuis le début, pour finir en apothéose qui m’a convaincue définitivement de plonger sous peu dans les tomes suivants. Un récit de très bonne facture, qui vaut la peine de s’accrocher pour l’apprécier.

Note : 4.5 sur 5.
Publié dans Fantasy, PLIB 2023, Post-apocalyptique, Young Adult

L’épée, la famine et la peste, tome 1 – Aurélie Wellenstein #PLIB2023

De quoi ça parle ?

Depuis un demi-siècle, le royaume de Comhghall s’enfonce dans un âge sombre : les monstres pullulent, des villages entiers disparaissent dans les toiles d’araignées, et les tarentas tissent dans l’esprit des hommes, les condamnant à s’étioler dans la mélancolie et les idées noires.

Trois êtres brisés deviennent la cible d’une population aux abois.

Un garçon possédé par l’esprit d’un loup, une jeune fille soupçonnée d’avoir les pouvoirs d’une araignée, un ancien soldat qui a tout perdu, persuadé que son fils vit dans l’œil d’un cerf…
Pourchassés par le chef de l’Inquisition et son archère, ils vont devoir s’allier pour survivre. Mais sont-ils des bouc-émissaires ou, au contraire, trois redoutables fléaux qui porteront le coup de grâce à ce monde agonisant ?

Et c’est bien ?

Après l’échec des Loups chantants j’ai voulu tenter un ouvrage plus récent, le dernier sorti de l’autrice.

Si j’ai trouvé qu’il avait de bonnes idées – le loup-garou renouvelé de manière intéressante, le thème des araignées, peu vu et que je trouvais très bienvenu, les ruines / monde pourrissant -, je ne suis toujours pas convaincue par la façon dont l’autrice les met en scène.

Le récit comporte pas mal de clichés et de scènes vues et revues, des schémas assez grossiers et un style plat. On est encore dans une binarité assez marquée avec des méchants très méchants et des gentils très gentils. Le personnage de la fille forte est assez caricatural. Le vilain inquisiteur sanguinaire aussi. L’inquisiteur repenti également. Un garçon bègue peu sûr de lui.

Les thèmes animaux / nature de l’autrice me parlent, dans ce livre aussi, et je crois que je partage pas mal de ses visions sur la nature, les animaux, la place de l’être humain dans tout ça. Cependant, côté mise en oeuvre, je reste très sceptique là aussi parce que ces thématiques sont évoquées très en surface, de manière facile. Le thème des araignées, animaux peu aimés, aurait pu donner quelque chose d’intéressant et j’ai trouvé qu’on tombait dans la facilité.

Les autres thèmes (amitié, famille et tout le tremblement), dans leur nature ou leur traitement m’ont davantage paru appartenir au jeunesse / young adult qu’à des bouquins adultes, j’ai trouvé que ça manquait de maturité et de profondeur. Et comme en plus, je n’aime globalement pas le young adult, me retrouver avec ce texte dans les mains n’a pas été une bonne surprise. Le style est fluide mais fade et peu diversifié en termes de vocabulaire, ce qui m’a plusieurs fois donné l’impression de relire les mêmes phrases – sans compter que je suis tombée sur un paragraphe, hormis les prénoms, copié / collé des Loups chantants au mot près (je ne sais pas si c’est voulu ou non, dans tous les cas je trouve cela soit maladroit, soit malvenu).

Je lirai néanmoins le tome 2 histoire de voir où tout cela mène. La fin m’a un peu raccrochée mais il y a trop de points moyens ou négatifs pour en faire une lecture positive.

Note : 1.5 sur 5.

#ISBN9782381671321
#PLIB2023A
#PLIB2023

Publié dans Coups de coeur, Fantasy

Capitale du Nord, tome 2 : Mort aux Geais – Claire Duvivier

De quoi ça parle ?

Après les terribles meurtres de la maison De Wautier, le monde d’Amalia Van Esqwill s’est écroulé. Considérés comme les principaux suspects, Yonas et elle trouvent refuge dans les tumultueux Faubourgs de la ville. Mais s’ils peuvent se cacher de la garde havenoise, qui les protégera de l’emprise de l’enchantement ? Pour survivre, Amalia devra surmonter sa douleur, dompter ses peurs, s’adapter à la clandestinité… et accepter de confier son destin au jeu de la tour de garde.

Et c’est bien ?

Après l’excellent Trois lucioles, la lecture du deuxième tome de Capitale du Nord était de mise. La lecture de Citadins de demain, bien que très bien, avait été éprouvante par son atmosphère très oppressante et difficile à apprivoiser ; j’avais une légère appréhension avant de me lancer dans Mort aux geais !, appréhension vite évacuée, j’ai trouvé ce deuxième opus presque meilleur que son prédécesseur.

Le début est moins laborieux et plonge plus vite dans le vif du sujet, bien que tout le tome 1 vienne éclairer cette suite. Amalia passe « de l’autre côté ». Elevée dans la noblesse, elle découvre l’autre pan de sa cité, celle des « petits », des laborieux, des qui luttent. Les débuts de lecture ont été assez éprouvants car j’ai trouvé qu’une atmosphère dépressive planait sur le récit, une espèce de bulle hors du temps. Les deux personnages eux-mêmes finissent par s’y perdre, jusqu’à l’apparition de « la Machine », chapitre(s) assez fous où l’autrice m’a vraiment bluffée en terme d’évocation de la perte de repère de ses personnages.

Les éléments magiques sont toujours passionnants à suivre, ils ont leur importance dans l’histoire sans éclipser les thèmes traités. L’évolution d’Amalia est particulièrement intéressante, la façon dont elle mature ses certitudes sociales par rapport aux expériences auxquelles elle est confrontée est très bien amenée et fait réfléchir à pas mal de choses – les positions privilégiées que l’on peu avoir, la réversibilité de certaines vision de la réalité, l’impact d’actes que l’on pensait justes à un moment M sans mesurer toutes les conséquences, …

Les révélations de fin et les retrouvailles avec les Syctes participent de l’envie de lire la suite urgemment. Les livres de Claire Duvivier sont ceux que je trouve les plus « rêches » de la saga, ils sont moins « chaleureux » que leur pendant du Sud – moins faciles à chroniquer aussi ; mais je leur trouve un je ne sais quoi qui les place parmi les meilleures sagas de fantasy que j’ai pu lire.

Note : 5 sur 5.