Publié dans Fantastique, Horreur

Le portrait du mal – Graham Masterton

De quoi ça parle ?

Un portrait de douze personnages au visage en décomposition… La toile est l’oeuvre d’un certain Waldegrave, ami d’Oscar Wilde et passionné d’occultisme, mais elle est sans valeur et plutôt médiocre. Alors pourquoi la mystérieuse Cordélia Gray veut-elle à tout prix s’en emparer? Quel est le secret du portrait? Qui sont les douze personnages? Vincent Pearson, l’actuel propriétaire du tableau, découvre un lien entre cette œuvre démoniaque et une série de meurtres particulièrement abominables qui secouent depuis quelques mois la Nouvelle-Angleterre…

Et c’est bien ?

Pas grande lectrice d’horreur, cet ouvrage m’intéressait surtout pour son clin d’oeil au Portrait de Dorian Gray, un de mes ouvrages fantastiques favoris. Je n’aime pas particulièrement les bouquins dont les textes suintent et te giclent des scènes sanglantes à la figure et j’ai été agréablement surprise que celui-ci ne fasse pas partie de cette catégorie. Le style de Masterton est classique, mais de bonne facture, plaisant à lire, et présente juste ce qu’il faut de flippant, sans t’en dire trop, pour que ton cerveau turbine. Ce qui arrive aux protagonistes est parfois (nan, souvent en fait ^^ ) horrible, mais on ne tombe pas dans la surenchère de détails scabreux.

L’histoire prend rapidement des traits de thriller. On a un tableau, une famille d’écorcheurs qui a l’air de chercher quelque chose de bien précis, un galeriste et un flic. Les notes de surnaturelles s’incorporent au quotidien de chacun, chaque nouvel éclairage donne envie de bondir dans le chapitre suivant avec juste ce qu’il faut d’étincelle un brin angoissante.

J’ai particulièrement apprécié l’ambiance, pas franchement gore ou glaçante, mais gluante, vaguement inquiétante, poite, le tout accompagné d’une description presque vampirique de la famille Gray. J’ai aimé que l’auteur insinue quelques questionnements, notamment sur la notion de mal et de bien ; on se rend compte que si certains personnages du côté des gentils n’avaient pas agi à certains moments, nos écorcheurs n’auraient peut-être pas agi comme ils l’ont fait.

Quelques bémols cependant, sur la fin et les explications apportées. Certaines notions et retournements de situation m’ont peu convaincue, et une des explications quant à l’histoire du tableau m’a paru un peu sortir comme un lapin du chapeau.

En somme, une lecture très agréable, qu’il m’a été difficile de lâcher, et dont j’ai apprécié le rattachement, l’air de rien, au travail de Wilde. Un très bon classique du genre, à découvrir.

Note : 4 sur 5.
Publié dans Fantasy, Horreur, PLIB 2022

Capitale du Nord, tome 1 : Citadins de demain – Claire Duvivier

De quoi ça parle ?

Amalia Van Esqwill est une jeune aristocrate de Dehaven, issue d’une puissante famille : son père possède une compagnie commerciale et sa mère tient un siège au Haut Conseil. Progressistes, ils lui ont offert, à elle et à d’autres enfants de la Citadelle, une instruction basée sur les sciences et les humanités. Jusqu’au jour où le fiancé d’Amalia se met en tête de reproduire un sortilège ancien dont il a appris l’existence dans un livre. Au moment précis où la tension accumulée dans les Faubourgs explose et où une guerre semble prête à éclater dans les colonies d’outre-mer, la magie refait son apparition dans la ville si rationnelle de Dehaven. Et malgré toute son éducation, Amalia ne pourra rien pour empêcher le sort de frapper sa famille et ses amis.

Et c’est bien ?

Je me suis coulée dans Citadins de demain beaucoup plus difficilement que dans son pendant du sud, Le sang de la Cité. Une chose est sûre, c’est que malgré leur appartenance à une même saga et la proximité des deux auteurs, l’ambiance, la plume, les sujets en sont foncièrement différents. C’est d’ailleurs peut-être ce qui m’a perturbée : quitter la chaleur, le soleil (et la nourriture) de Gemina pour découvrir la froideur, les castes et la vie de la noblesse guindée de Dehaven. La qualité est néanmoins toujours au rendez-vous, et j’ai retrouvé avec plaisir Claire Duvivier et les thèmes qu’elle aborde.

Education, place des femmes, société… le ton est annoncé dès les premières lignes, qui taillent sévèrement certains sujets (pour mon plus grand plaisir). L’histoire prend vite un tour oppressant, que ce soit avec la nasse sociale qui se referme sur la jeune femme aristocrate qu’est Amalia – l’autrice a un véritable don pour projeter vers le lecteur les divers sentiments que la protagoniste éprouve, et certains passages sont véritablement étouffants – , ou par les découvertes qu’Amalia fait avec ses amis.

L’histoire de Citadins de demain prend des allures de drame, qui commence doucement et paisiblement, et qui monte crescendo. La tension monte tout du long ; Claire Duvivier parvient à merveille à maintenir le suspens et les interrogations. Par sa teneur et bien qu’appartenant au genre fantasy, le texte emprunte pour beaucoup son ambiance aux récits fantastiques, un peu comme certains récits de Poe où vous sentez l’horreur tapie dans un coin et guetter, sous le verni de la normalité.

Bien que j’aie eu plus de mal avec Citadins de demain par ses côtés malaisants, il n’en demeure pas moins que j’ai beaucoup apprécié l’univers de l’autrice, tout sauf consensuel. La plume est toujours au rendez-vous, de qualité, construite et prenante. L’expérience a certes été déroutante, mais il va de soi que je signe sans hésiter pour la suite.

Note : 4 sur 5.

Infos livre
Editeur : Aux Forges du Vulcain
Année d’édition : 2021
#ISBN9782373051179

Publié dans Fantastique, Fantasy, Historique, Horreur

Ring Shout – Phenderson Djèli Clark

De quoi ça parle ?

Macon, 1922. En 1915, le film Naissance d’une nation a ensorcelé l’Amérique et gonflé les rangs du Ku Klux Klan, qui depuis s’abreuve aux pensées les plus sombres des Blancs. À travers le pays, le Klan sème la terreur et se déchaîne sur les anciens esclaves, déterminé à faire régner l’enfer sur Terre.

Mais les Ku Kluxes ne sont pas immortels. Sur leur chemin se dressent Maryse Boudreaux et ses compagnes de résistance : une tireuse d’élite à la langue bien pendue et une Harlem Hellfighter. Armées de fusils, de bombes et d’une épée imprégnée de magie ancestrale, elles chassent ceux qui les traquent et renvoient les démons du Klan tout droit en enfer ; alors qu’un complot effroyable se trame à Macon et que la guerre contre le mal est sur le point de s’embraser.

Et c’est bien ?

Je crois que des deux univers de l’auteur, bien que je les apprécie tous les deux – Egypte uchronique et US du début 20e – le second a ma préférence.

Plus sombre, mettant en scène la culture afro-américaine, porteuse des stigmates de l’esclavage, le hoodoo, la magie noire, et surtout avec ce parler particulier adopté par l’auteur pour narrer les textes qui se situent dans ce contexte, j’ai à nouveau adoré la balade avec Ring Shout.

Magie noire, monstres et héroïnes hautes en couleur (une légère préférence pour Sadie, que j’ai trouvée vraiment fun avec son côté rentre dedans et ses réflexions faussement naïves sur l’évolution humaine), l’auteur essaie en sus, et c’est assumé, d’initier une fantasy noire, loin des héros blancs et parfaits. Le pari est, à mes yeux réussi.

Le texte peut être déroutant par instants, onirique, brouillant la (les) réalité(s), confinant parfois, presque, à la science-fiction et nageant carrément dans l’horreur avec les créatures mises en scène. Une réussite ; j’espère que l’auteur continuera ses incursions dans cet univers 🙂

Note : 5 sur 5.

Infos livre :
Editeur : L’Atalante
Année de publication : 2021

Publié dans Fantastique, Horreur, PLIB 2022, Service de presse

Vertèbres – Morgane Caussarieu

De quoi ça parle ?

Printemps 1997, dans une petite station balnéaire des Landes, Jonathan, 10 ans, vient d’être kidnappé.
Selon ses meilleurs amis, le ravisseur serait une femme à barbe. Jonathan est retrouvé une semaine plus tard sur une aire d’autoroute, mais sa mère, Marylou, peine à le reconnaître…

Beaucoup de choses ont changé en lui, la plus déroutante étant l’apparition d’une vertèbre supplémentaire en bas de son épine dorsale. En quoi se transforme Jonathan, et que lui est-il arrivé lors de son enlèvement ?

Et c’est bien ?

Un coup de coeur ! Un texte Diable Vauvert comme je les aime : tout sauf consensuel et qui remue pas mal de choses. Premier livre que je lis de l’autrice, Morgane Caussarieu.

Vertèbres propose une narration composée de deux points de vue internes : celui de Sasha, petite fille issue d’une famille dysfonctionnelle, et celui de Mary-Lou, la maman de Jonathan. Deux personnages très forts, plein de failles mais foncièrement humains, dont toutes les problématiques m’ont parlé. Sasha et la question du genre, de son rapport aux autres enfants, aux adultes ; Mary-Lou et sa maternité, son rapport à son enfant et toutes les interrogations que cela peut susciter. La narration de Sasha se fait par l’intermédiaire de son journal intime, celui de Mary-Lou est une fenêtre ouverte sur ses pensées. La justesse de ces deux personnages m’a frappée ; je crois même qu’on peut étendre cette justesse à tous les protagonistes du livre, car c’est un des points forts du texte.

L’autrice n’épargne pas son lecteur, d’ailleurs, sur certains de ces questionnements. Pas mal de passages sont dérangeants, malaisants, que ce soit par les thèmes abordés ou par le tour qu’elle fait prendre aux événements. Je trouve que ces thèmes sont particulièrement à leur place dans un texte où il est question de loups-garous et de (non-)répression de nos pulsions, et questionnent ce qui nous pousse à agir ou à réprimer nos actes. Par ailleurs, j’ai beaucoup aimé la façon dont la figure du loup-garou est mise en scène, très différente de ce dont on a l’habitude.

Le style de l’autrice fait partie, en plus du sujet, de ce qui m’a rendu la lecture addictive. En adoptant un point de vue interne, nécessairement, nous n’avons pas toutes les données, et l’envie est particulièrement forte de découvrir enfin le fin mot de l’histoire. J’ai trouvé que l’autrice trouvait le ton juste pour se glisser sous la plume d’une enfant de dix ans, ou bien dans la tête d’une mère paumée.

Le seul reproche que je ferais sûrement, ce sont les références. Morgane Caussarieu a fait le choix d’immerger le lecteur dans les années 90. Bien sûr, ça marche à fond, la nostalgie faisant son oeuvre. Néanmoins, trop de références deviennent vite agaçantes et certains paragraphes – heureusement rarissimes et éclipsés au final par ce que l’autrice met en scène – ressemblent parfois à une collection de clins d’oeil et slogans de publicité.

Dans tous les cas, et malgré ce dernier point qui manque un peu de mesure dans le dosage, cet lecture fut particulièrement addictive et plaisante. Le diable vauvert (que je remercie par ailleurs pour ce service de presse offert dans le cadre du PLIB) m’a habituée à des textes non-consensuels et qui ne brossent pas le lecteur dans le sens du poil, ce texte ne déroge pas à la règle. J’ai été particulièrement enthousiaste également de découvrir l’univers de Morgane Caussarieu, dont je vais m’empresser d’aller lire les autres textes. Vertèbres est une lecture que je conseille vivement si vous recherchez une lecture addictive et innovante dans le genre du fantastique.

Note : 5 sur 5.

Infos livre :
Année de parution : 2021
Editeur : Le diable Vauvert
#ISBN9791030703269

Publié dans Fantastique, Horreur, Science-fiction, Thriller

Magma – VII

De quoi ça parle ?

Déborah Sapoznik, peintresse en vogue, emménage le temps d’un été dans une résidence huppée sur l’île de Napampark, avec son fils, Yoni, un adolescent peu expressif et enfermé dans son monde d’expériences sonores. Lorsque leur route croise celle de leur voisine, Evelyne Antosca, une étrange vieille dame au regard hypnotique, Yoni se retrouve malgré lui pris dans les filets d’une adepte de pseudos-sciences inquiétante.

Et c’est bien ?

Je dois dire que c’est avec un peu d’appréhension que j’ai entamé cet ouvrage. Les thèmes de pseudos-science, de drogue ou de musique sont des thèmes que je croise assez peu, et que j’apprécie de manière variable suite à quelques lectures particulières (j’y reviendrai car une de ces lectures a fait écho à celle-ci). Par ailleurs, j’aime bien être bousculée cependant, et c’est avec curiosité que j’ai débuté cette lecture.

D’emblée, j’ai beaucoup apprécié le style de l’auteur. Travaillé mais pas alambiqué, précis et rythmé, j’ai été tout de suite happée. Ajoutons à cela la fascination que j’ai éprouvée pour les personnages. Très loin d’être agréable, Déborah est une personne peu accessible, qui traite ceux qu’elle croise avec une sécheresse désinvolte, consciente de sa célébrité. Sans pour autant être imbue d’elle-même, elle possède une forme d’arrogance assez crispante, mais demeure malgré tout humaine. Elle s’occupe de son fils Yoni avec, tour à tour, désinvolture ou attention, se comporte ses amis de manière assez méprisante, mais par ailleurs leur est attachée malgré ce qu’elle leur trouve de désagréable. Yoni quant à lui est un adolescent éteint. Perpétuellement planqué derrière une paire de lunettes noires, on sent le mal-être qui émane de lui. Son monde se résume aux machines numériques à l’aide desquelles il tente de créer des morceaux de musique conceptuelle.

Les voisins des Sapoznik ne sont pas en reste et forment un tableau assez hétéroclite de la population huppée de Napampark : le couple d’amis qui a poussé Déborah à emménager dans la résidence, le couple Lovano, de petits vieux qui croisent sa route et ne lui lâchent pas les basques, ainsi que les personnes du milieu de l’art qui gravitent autour de Déborah dans le cadre de ses expositions – journalistes, admirateurs… L’auteur croque ce petit monde de manière assez savoureuse et plus d’une fois on ricane en lisant les dialogues au vitriol qu’il place dans leur bouche.

Lorsque l’on croise finalement le chemin d’Evelyne Antosca et de ses pseudo-sciences mâtinées de produits étranges, l’histoire prend rapidement des allures de thriller à la lisière du fantastique et de la science-fiction. La spirale dans laquelle Yoni est entraîné est particulièrement prenante, le parallèle avec sa mère, qui cherche à la fois à comprendre ce qui lui arrive mais qui paraît parfois déconnectée, absorbée qu’elle est par son monde artistique est ahurissant.

Petite pointe rigolote lorsque je me suis fait la réflexion que tout ce qui est développé dans ce texte autour du rapport au corps, de sa connexion ou déconnexion avec l’esprit, de ses liens avec la réalité, me rappelait ma lecture de Crash ! de J. G. Ballard et que j’ai constaté, une fois le livre fini, que ce même Ballard était cité parmi les influences de l’auteur de Magma dans le volet interne de la couverture. Par ailleurs si la lecture de Crash ! m’avait laissée pantelante et incapable de dire si j’avais aimé ou pas, j’ai trouvé Magma aussi bon dans l’aspect halluciné du texte, mais aussi beaucoup plus digeste, accessible et agréable sans pour autant tomber dans la facilité.

Enfin pour terminer, tenue en haleine jusqu’au bout, Magma finit en apothéose, d’une manière à laquelle je ne m’attendais pas du tout – et qui m’a forcément plu, adepte que je suis du fantastique et de cette tangente incertaine avec la réalité. La seule chose qui m’ait moins parlé, c’est l’univers musical. On sent que l’auteur connaît le milieu et par manque de connaissance, j’avoue que j’ai été parfois un peu larguée. Néanmoins, les quelques développement sur le sujet restent courts et digestes. J’ai également beaucoup apprécié les quelques fils tirés sur l’art, et notamment ici la peinture abstraite, là encore juste ce qu’il faut pour que ce soit intéressant sans que cela devienne rébarbatif.

En somme, une lecture sans temps mort, avec des thèmes intéressants, un style maîtrisé et une manière de mener l’histoire qui m’ont fait apprécier des sujets avec lesquels je suis plutôt frileuse d’ordinaire. Un petit ovni à découvrir !

A lire si vous recherchez :
– des personnages pas du tout sauf consensuels
– un mélange de « mauvais genres »
– des thèmes traités de manière concise et intelligente

Note : 5 sur 5.