
De quoi ça parle ?
La planète Nüying, située à vingt-quatre années-lumière du Système solaire, partage de nombreux traits avec la Terre d’il y a trois milliards d’années. On y trouve de l’eau à l’état liquide. Son activité volcanique est importante. Ses fonds marins sont parcourus de failles et comportent quantités de sources hydrothermales. Elle possède une magnétosphère et une atmosphère dense, protectrice. Tout cela en fait une bonne candidate pour héberger la vie. La sonde Mariner a transmis des enregistrements sonores de Nüying : des chants qui évoquent par analogie ceux des baleines. Quand elle était enfant, Brume a entendu cet appel. Désormais adulte, spécialisée dans le domaine de la bioacoustique marine, elle s’apprête à participer à la plus grande aventure dans laquelle se soit jamais lancée l’Humanité : rejoindre Nüying au terme d’un voyage spatial de vingt-sept années. Que va-t-elle découvrir là-bas ? Une civilisation extraterrestre ou une remise en cause totale de ses certitudes ?

Et c’est bien ?
Plutôt très bonne lecture que celle-ci. Si le résumé donne l’impression d’un roman d’exploration et de découverte, il s’agit en réalité du récit d’un voyage. Curieux roman de science-fiction alliant une narration et quelques thématiques de ce que j’appelle la « SF à la papa », une SF des années 80-90 rarement écrite par des autrices, et des thèmes plutôt fin, humanistes et militants, reflets d’enjeux d’aujourd’hui.
Les chants de Nüying, c’est avant tout les questionnements philosophiques, techniques et humains d’un voyage spatial pionnier à 25 années-lumières de la Terre. L’autrice aborde la question du voyage dans l’espace, de qui le finance et des enjeux qui se posent. On y croise des réflexions sur le transhumanisme et les motivations des milliardaires qui financent ce type d’avancées. On y croise aussi des êtres humains, portés par la curiosité et l’envie de faire avancer la recherche.
Le lecteur ne suit pas qu’un personnage mais plusieurs, d’ailleurs j’ai été un peu perdue par la première moitié, consacrée à Brume, suivie de la deuxième (qui m’a passionnée), qui la laisse complètement de côté pour offrir un récit choral. Néanmoins la richesse des questionnements et de l’histoire permettent de passer l’obstacle – j’ai juste dû me réadapter lorsque Brume est revenue au premier plan (et un peu frustrée de lâcher les autres personnages).
J’ai particulièrement apprécié la façon dont l’autrice se nourrit de la pensée asiatique, et notamment bouddhiste, pour mêler transhumanisme et réincarnation sous couvert d’avancées scientifiques. Le côté mystique qui en découle ne m’a pas spécialement rebutée (alors que j’y suis habituellement assez allergique) dans le sens où ces passages posent aussi des questions sur l’humanité et la science – la deuxième partie est une vraie réussite de réflexion et de philosophie sur ces aspects. Cet élément pose davantage un bémol à la fin, que j’ai trouvée moyennement réussie.
Les ellipses sont maniées avec brio (ce qui n’est pas toujours le cas dans les romans que j’ai lus jusqu’ici), pour nous mener jusqu’au point d’orgue de ces fameux chants, qui ont motivé le départ de l’expédition. Si on peut reprocher à l’ouvrage un manque d’originalité dans certains thèmes et ficelles, j’ai personnellement apprécié que l’autrice se consacre à la réflexion (avec quelques piques bien senties sur les empires financiers et l’administration notamment) plutôt qu’au « show » et à l’innovation à tout prix.
Une bonne lecture et la découverte d’une autrice dont je vais certainement (enfin) sortir Quitter les monts d’automne de ma PaL.

#PLIB2023
#PLIB2023A
#ISBN9782226472823