Publié dans PLIB 2023, Science-fiction

Les chants de Nüying – Emilie Querbalec #PLIB2023

De quoi ça parle ?

La planète Nüying, située à vingt-quatre années-lumière du Système solaire, partage de nombreux traits avec la Terre d’il y a trois milliards d’années. On y trouve de l’eau à l’état liquide. Son activité volcanique est importante. Ses fonds marins sont parcourus de failles et comportent quantités de sources hydrothermales. Elle possède une magnétosphère et une atmosphère dense, protectrice. Tout cela en fait une bonne candidate pour héberger la vie. La sonde Mariner a transmis des enregistrements sonores de Nüying : des chants qui évoquent par analogie ceux des baleines. Quand elle était enfant, Brume a entendu cet appel. Désormais adulte, spécialisée dans le domaine de la bioacoustique marine, elle s’apprête à participer à la plus grande aventure dans laquelle se soit jamais lancée l’Humanité : rejoindre Nüying au terme d’un voyage spatial de vingt-sept années. Que va-t-elle découvrir là-bas ? Une civilisation extraterrestre ou une remise en cause totale de ses certitudes ?

Et c’est bien ?

Plutôt très bonne lecture que celle-ci. Si le résumé donne l’impression d’un roman d’exploration et de découverte, il s’agit en réalité du récit d’un voyage. Curieux roman de science-fiction alliant une narration et quelques thématiques de ce que j’appelle la « SF à la papa », une SF des années 80-90 rarement écrite par des autrices, et des thèmes plutôt fin, humanistes et militants, reflets d’enjeux d’aujourd’hui.

Les chants de Nüying, c’est avant tout les questionnements philosophiques, techniques et humains d’un voyage spatial pionnier à 25 années-lumières de la Terre. L’autrice aborde la question du voyage dans l’espace, de qui le finance et des enjeux qui se posent. On y croise des réflexions sur le transhumanisme et les motivations des milliardaires qui financent ce type d’avancées. On y croise aussi des êtres humains, portés par la curiosité et l’envie de faire avancer la recherche.

Le lecteur ne suit pas qu’un personnage mais plusieurs, d’ailleurs j’ai été un peu perdue par la première moitié, consacrée à Brume, suivie de la deuxième (qui m’a passionnée), qui la laisse complètement de côté pour offrir un récit choral. Néanmoins la richesse des questionnements et de l’histoire permettent de passer l’obstacle – j’ai juste dû me réadapter lorsque Brume est revenue au premier plan (et un peu frustrée de lâcher les autres personnages).

J’ai particulièrement apprécié la façon dont l’autrice se nourrit de la pensée asiatique, et notamment bouddhiste, pour mêler transhumanisme et réincarnation sous couvert d’avancées scientifiques. Le côté mystique qui en découle ne m’a pas spécialement rebutée (alors que j’y suis habituellement assez allergique) dans le sens où ces passages posent aussi des questions sur l’humanité et la science – la deuxième partie est une vraie réussite de réflexion et de philosophie sur ces aspects. Cet élément pose davantage un bémol à la fin, que j’ai trouvée moyennement réussie.

Les ellipses sont maniées avec brio (ce qui n’est pas toujours le cas dans les romans que j’ai lus jusqu’ici), pour nous mener jusqu’au point d’orgue de ces fameux chants, qui ont motivé le départ de l’expédition. Si on peut reprocher à l’ouvrage un manque d’originalité dans certains thèmes et ficelles, j’ai personnellement apprécié que l’autrice se consacre à la réflexion (avec quelques piques bien senties sur les empires financiers et l’administration notamment) plutôt qu’au « show » et à l’innovation à tout prix.

Une bonne lecture et la découverte d’une autrice dont je vais certainement (enfin) sortir Quitter les monts d’automne de ma PaL.

Note : 4 sur 5.

#PLIB2023
#PLIB2023A
#ISBN9782226472823

Publié dans Fantasy, PLIB 2023, Policier, Science-fiction

Metalya entre les mondes – Patrick Moran #PLIB2023

De quoi ça parle ?

Metalya est l’une des nombreuses pacificatrices de la cité de Tal Emmerak. Son boulot, c’est des enquêtes, si possibles pas trop compliquées et bien payées, ce qui, dans un cas comme dans l’autre, n’arrive pas souvent.

Lorsqu’un riche client la contacte pour lui demander d’enquêter sur la mort de sa femme, Metalya accepte à reculons, appâtée par l’argent. La pacificatrice découvre rapidement que cette femme était une scientifique de renom qui travaillait pour l’Institut Voqer-naag, dans un département spécialisé dans ces nouvelles sciences autrefois appelées « magie ». Bien vite, tout semble se liguer contre Metalya. Armée de quelques éclats – ces petits objets capables d’influer sur la réalité – et de son livre fétiche, elle va braver tous les obstacles que l’on va mettre sur son chemin et découvrir la vérité entre les mondes.

Et c’est bien ?

Un texte sympathique mais qui ne restera pas parmi mes lectures mémorables. Si cette aventure n’est pas dénuée de qualité, un manque de rythme et la narration particulière ne m’ont pas permis une immersion satisfaisante.

L’auteur met en scène une cité tentaculaire, prise en sandwich géopolitique par deux états voisins. On y découvre des paysages idylliques dignes de cités balnéaires de carte postale : plages, touristes, couchers de soleil et odeurs de churros sont au rendez-vous. On sent très vite la volonté de l’auteur de proposer une aventure enlevée et pêchue à travers un ton de narration sarcastique. A priori des ingrédients qui me plaisent.

Pour autant, j’ai eu du mal à entrer dans l’histoire. J’ai trouvé la première moitié du récit assez froide. L’histoire prend rapidement l’allure d’une enquête policière assez classique. Malgré le fait que le récit nous soit servi à travers le franc-parler de Metalya, le rythme est assez mou. On coche un parcours d’investigation lambda et sans surprise, dans son déroulé comme dans les protagonistes rencontrés. Plus gênant encore à mes yeux : Metalya se met à faire ses hypothèses et à mouliner les éléments de l’enquête à la place du lecteur. On suit son cheminement intérieur et j’ai trouvé désagréable qu’elle fasse ce travail à ma place, là où j’aurais aimé que l’auteur nous donne davantage à manger sur ses personnages ou la cité de Tal Emmerak.

Par ailleurs, c’est une réflexion que je me suis faite en lisant cet ouvrage : j’ai de plus en plus de mal avec les enquêtes en SFFF si ces deux éléments ne se révèlent pas utiles à l’histoire. Les ficelles des histoires policières je les connais par coeur, et si, comme pour la SF, elles ne m’apportent pas d’éléments intéressants de réflexion sur notre société ou la psyché humaine, je ne vois pas d’intérêt autre que le divertissement. Alors certes, je lis pour me divertir, mais j’aime avoir – même juste un peu – de la consistance. Ici, l’auteur apporte du grain à moudre, et je retiens particulièrement une page que j’ai trouvée brillante sur la justice et la notion de réparation. Le problème, c’est que c’est anecdotique et que j’aurais aimé que ces moments de brève réflexion émaillent davantage le texte. Le background est travaillé mais on reste trop en surface à mon goût, sur la géopolitique de Tal Emmerak, sur les services (non) publics par exemple.

Il en va de même pour les découvertes de Metalya. Difficile de faire des révélations qui détonnent quand les schémas mis en scène ne sont pas neufs, et en – fut un temps – fan de Fringe, au final j’ai eu une impression de soufflé qui retombe. Tout du long, en raison de ce rythme et thèmes balbutiants, j’ai vraiment une impression de premier roman – bien que l’auteur ait pourtant écrit d’autres textes précédemment.

Pour autant, l’univers a du potentiel et serait intéressant à développer, et éventuellement retrouver Metalya dans d’autres aventures pourrait être plaisant. J’ai particulièrement aimé un personnage : Monsieur Octopus, on sent dès les premières lignes qu’il a le potentiel d’une mascotte. La lecture, bien qu’en dents de scie, ne m’a pas été désagréable. Je suis simplement un peu déçue qu’elle soit bien des les clous des schémas que le texte adopte, il m’a clairement manqué une petite étincelle de quelque chose.

Note : 2.5 sur 5.

#PLIB2023
#PLIB2023A
#ISBN9782354089887

Publié dans Coups de coeur, PLIB 2023, Science-fiction

Lazaret 44 – Julien Heylbroeck #PLIB2023

De quoi ça parle ?

Sur une planète lointaine et hostile s’est écrasée une créature titanesque.

Dans cette carcasse putréfiée, l’humanité a érigé Karkasstad, une cité industrielle où, au péril de leur vie, les ouvriers arrachent à la dépouille les substances organiques nécessaires à l’Alchimie dont les formules savantes ont supplanté la science.

Au centre de cette métropole moribonde, entre les fumerolles méphitiques et les grondements prolétaires, Knaagdier, à la fois détective et médecin de la peste, enquête sur une étrange maladie qui ronge la chair des habitants de cette cité-tombeau.

Et c’est bien ?

Sacré ovni littéraire que Lazaret 44. Je le confesse, le pitch un peu crassou m’a carrément bottée, et c’est avec une joie de gamine que j’ai plongé dans les tripes de la cité faisandée.

Premier point très positif : l’auteur parvient rapidement à exposer un univers riche et complexe sans s’étaler sur les trois quarts de son livre. Les romans « encyclopédiques » sur leur univers me sortent par les yeux, et Lazaret se tire à merveille de cet écueil, malgré pas moins de six points de vue différents. Il faut certes le temps de se mettre dans le bain – et passer outre, c’est là sûrement le seul reproche que je fais au texte et je souhaite de tout coeur que cela ne lui porte pas préjudice, les très nombreuses coquilles – , mais une fois que l’on a intégré qui est qui, c’est avec plaisir et même une certaine impatience que j’attendais de découvrir le chapitre suivant dédié à chacun.

L’univers a été jubilatoire à découvrir – l’auteur imagine une cité humaine bâtie au fil des siècles pour l’exploitation des matières premières offertes par la carcasse. C’est un véritable écosystème que l’auteur déploie, dont les humains font partie intégrante au même titre que les charognards et insectes qui grouillent dans les entrailles de la dépouille. C’est cet environnement atypique en plus de l’idée de suivre un médecin chargé de trouver remède à une peste locale qui m’a attirée – et plu. Au-delà de la cité, on entraperçoit ce qu’est devenue l’humanité, les cultes et la politique qui se sont développés. L’auteur ne détaille pas tout mais donne suffisamment à manger sur ces sujets pour que l’on ne soit pas frustré.

Chacun des points de vue met en scène des personnages d’horizons variés – une ouvrière, un malade de la fameuse peste, des politiques, un médecin, une navigatrice… Les thèmes qui émaillent le récit sont brillamment mis en scène et j’ai apprécié la manière dont l’auteur les traite. Conditions de travail, grèves, luttes sociales, partage des richesses, traitement des laissés pour compte… les sujets-miroirs à notre propre société ne manquent pas.

De par son contexte, le texte offre une ambiance assez glauque. On n’est pas franchement dans de l’horreur (et ce n’est pas le but), mais on demeure dans le peu ragoûtant, j’ai eu la sensation, pour mon plus grand plaisir, d’un texte dans l’esprit « série B ». On sent également que l’auteur est rôliste, certaines manières d’introduire des éléments m’ont tout de suite fait tilt. C’est généralement quelque chose qui me rend réticente car j’apprécie généralement peu la façon dont l’univers est posé, néanmoins je trouve que Julien Heylbroeck a su mettre en scène l’environnement de ses personnages de manière fine et passionnante, sans avoir l’impression d’en déceler toutes les ficelles narratives.

Jusqu’au bout j’ai suivi les péripéties de chacun des protagonistes, avec même une certaine frénésie dans le dernier tiers. Lazaret 44 offre un univers atypique, des personnages attachants et des thèmes de fond intelligents… tout pour que ce soit un coup de coeur, et souhaiter pouvoir replonger dans cet univers si l’auteur nous y invite à nouveau.

Note : 5 sur 5.

#PLIB2023
#PLIB2023A
#ISBN9782361837808

Publié dans Science-fiction

Les chroniques Lunaires, tome 2 : Scarlet – Marissa Meyer

De quoi ça parle ?

Bien loin de l’Asie et du royaume du Prince Kai, la grand-mère de Scarlet Benoit est portée disparue. Scarlet réalise alors qu’elle n’a jamais su qui était vraiment son aînée et quels dangers pouvaient bien la menacer. Quand elle rencontre Wolf, un mystérieux street-fighter qui semble savoir où est sa grand-mère, elle n’a d’autre choix que de lui faire confiance. C’est en menant leur enquête que Scarlet et Wolf croisent la route de Cinder. Ensemble ils se ligueront contre Levana, la vicieuse Reine lunaire prête à tout pour asservir les Terriens et épouser le Prince Kai.

Et c’est bien ?

Quelques mois après Cinder, me voici à lire Scarlet, la suite des Chroniques Lunaires. La saga m’avait étonné par plusieurs aspects : couverture très young adult et résumé qui me laissaient présager un récit qui ne me conviendrait pas. Avec ce deuxième opus, Scarlet me confirme qu’on peut se tromper.

Comme souvent lorsque je l’aisse s’écouler du temps entre deux tome d’une série, le premier obstacle est de fouiller ma mémoire capricieuse afin de raccorder toutes les infos. Première réussite de Scarlet : replonger le lecteur dans le bain petit à petit en reglissant les points importants sans tomber dans le laïus lourdingue. Deuxième réussite : on retrouver quand même Cinder. Parce qu’il faut le dire, j’ai mis le temps à voir comment l’autrice allait nous rattacher Scarlett à la trame initiale. C’est bien beau de réécrire les contes classiques et d’en faire une seule histoire, encore faut-il que la trame suive.

La couverture parle d’elle-même, Le petit Chaperon rouge s’invite dans ce deuxième texte. Les éléments sensés rappeler qu’on est dans le Petit Chaperon rouge ne sont pas très finement introduits et le début est un peu lourdingue. J’ai craint dans un premier temps de glisser dans la romance assaisonnée de BG, heureusement l’autrice évite l’écueil. Néanmoins sur le premier tiers, c’est bien le fil de Cinder qui m’a tenue car j’avais un peu de mal à voir où l’on allait avec Scarlett.

Parmi les nouveaux personnages, si Scarlet et Loup m’ont très moyennement emballée, en revanche j’ai beaucoup apprécié Thorne, l’évadé-boulet qui attache ses pas à ceux de Cinder. Avec son côté gros sabots et ses ressources, je lui ai parfois trouvé un petit côté Jack Harkness loin de me déplaire. Le traitement des personnages féminins est sympa et sort des sentiers battus : mécano et qui en ont sous la pédale quand il s’agit de castagner.

L’intrigue s’envole véritablement une fois posé le fil de Scarlet, dans une succession de rebondissements et de révélations. Si certes cette partie donne davantage de sens, en revanche j’ai trouvé ce tome en-deçà du premier, plus faiblard côté intrigue. Certains passages tournent un peu en rond et ce n’est pas le style finalement assez plat qui vient y remédier. Certains propos de l’autrice concernant l’altérité et la peur de l’autre sont plutôt intéressant, bien que cela reste très saupoudré.

Une lecture sympathique, qui se lit vite et qui contribue à faire avancer cette histoire de Lunaires. Je lirai la suite sans déplaisir, même si on est loin de la saga de l’année.

Note : 3 sur 5.
Publié dans Coups de coeur, Science-fiction

Harrow the Ninth – Tamsyn Muir

De quoi ça parle ?

Harrowhark Nonagesimus, dernier nécromancien de la Neuvième Maison, a été recrutée par son empereur pour mener une guerre impossible à gagner. Aux côtés d’une rivale détestée, Harrow doit perfectionner ses compétences et devenir un ange de la non-mort – mais sa santé se détériore, son épée la rend nauséeuse et même son esprit menace de la trahir.

Enfermée dans l’obscurité gothique du Mithraeum de l’Empereur avec trois professeurs hostiles, chassée par le fantôme fou d’une planète assassinée, Harrow doit faire face à deux questions importunes : quelqu’un essaie-t-il de la tuer ? Et s’ils réussissaient, l’univers s’en porterait-il mieux ?

Et c’est bien ?

Gideon a été un coup de coeur. Harrow en a été un encore plus grand. Si j’ai eu du mal à rentrer dans ce deuxième tome par la particularité de sa narration, je ne regrette en rien d’avoir persévéré. Harrow the Ninth, c’est une claque encore plus magistrale que son prédécesseur.

Longtemps j’ai été paumée dans les brumes qui enserrent Harrow, perdue dans sa douleur et sa nouvelle condition de lycteure. La narration s’effectue à la deuxième personne du présent. Les événements qui nous sont dévoilés semblent décousus. D’ailleurs, Harrow elle-même n’y pige pas grand-chose et se retrouve quasiment étrangère à sa propre personne. L’ensemble du texte prend l’aspect de tableaux, de bribes de réalité que l’on essaie de recoller.

La découverte de Dieu – John Gaïus de son vrai nom – et de ses lycteurs, est fascinant, autant par ce que cela apporte de réponses et de liens de compréhension de l’univers que l’on n’avait pas jusque là, que par le côté fun de ces découvertes. John et ses lycteurs se connaissent – littéralement – depuis des siècles, et les manières qu’ils ont les uns envers les autres s’en ressentent. Ce ne sont pas les relations de subalternes envers une déité, mais des relations de potitude qui engendrent des dialogues décalés.

Comme le précédent tome, si l’ambiance générale est sombre, bardée de nécromancie, de ligaments, de squelettes et de viande, là encore le talent de Tamsyn Muir donne toute sa savoir à l’ouvrage. Le style est toujours aussi génial et imagé, et capable de nous proposer des passages mémorables où le gore le dispute à l’envie de rire. Ce tome apporte beaucoup d’éléments réponse, des questions plus encore, des retournements de situation et des révélations de fou. Jusqu’à la narration en « tu », employée de manière magistrale.

Une réussite donc, et un tome 3 que j’attends de recevoir avec grande impatience. Et toi, cher lecteur, chère lectrice, si tu n’as pas encore plongé dans cette saga de fou, il est grand temps de la découvrir :p

Note : 5 sur 5.