Publié dans Fantastique, Fantasy, Historique

Trilogie d’une nuit d’hiver, tome 1 : L’ours et le rossignol – Katherine Arden

De quoi ça parle ?

Au plus froid de l’hiver, Vassia adore par-dessus tout écouter, avec ses frères et sa sœur, les contes de Dounia, la vieille servante. Et plus particulièrement celui de Gel, ou Morozko, le démon aux yeux bleus, le roi de l’hiver. Mais, pour Vassia, ces histoires sont bien plus que cela. En effet, elle est la seule de la fratrie à voir les esprits protecteurs de la maison, à entendre l’appel insistant des sombres forces nichées au plus profond de la forêt. Ce qui n’est pas du goût de la nouvelle femme de son père, dévote acharnée, bien décidée à éradiquer de son foyer les superstitions ancestrales.

Et c’est bien ?

Un ouvrage dans lequel j’ai eu bien du mal à me couler, mais que je ne regrette pas de m’être acharnée à lire, il fait partie de mes meilleures lectures de l’année pour l’instant.

L’entrée dans le texte m’a été plutôt laborieuse. La mise en place prend son temps ; le lecteur est plongé dans le quotidien d’une famille de seigneur terrien de la Rus’ médiévale. On y découvre leurs liens avec le pouvoir, l’enfance de Vassilissa, la plus jeune fille, qui semble avoir hérité d’étranges pouvoirs maternels, ainsi que les différentes créatures qui peuplent leurs environs. La touche surnaturelle est particulièrement ténue et l’application avec laquelle l’autrice pose son décor m’a parue un peu longue malgré les qualités multiples de ces détails.

Katerine Arden connaît manifestement très bien l’histoire et le folklore slaves et il m’a été d’un réel plaisir de découvrir la Russie du 14e siècle, son paysage géopolitique, et surtout, ce qui va faire point de tension dans le texte, toutes les ficelles liées à la religion et à la culture païenne. C’est d’ailleurs cet élément, et la bascule qui s’opère vers le milieu du texte, qui a raccroché mon intérêt pour cette lecture. L’autrice se sert à merveille des ficelles qui opposent le christianisme au folklore, à travers l’arrivée d’un prêtre dans la famille de Vassilissa – Vassilissa qui semble capable de voir les multiples petits démons qui habitent et nourrissent son environnement.

Outre le fait que la prose de Katerine Arden se tient très bien et se lit avec plaisir, le mélange de contes et d’éléments banals qui progressivement trouvent un point d’orgue dans cette lutte spirituelle devient vite passionnant. Lutte qui opposent une religion coupée de son environnement, de la nature des hommes et des bêtes, à des croyances ancrées dans un réel que l’on ne comprend pas toujours, mais avec lequel l’homme vit en harmonie en en acceptant autant le positif que le négatif.

Le dernier tiers verse complètement dans la fantasy option contes et onirisme et relie les fils que l’autrice a tissés avec patience depuis le début, pour finir en apothéose qui m’a convaincue définitivement de plonger sous peu dans les tomes suivants. Un récit de très bonne facture, qui vaut la peine de s’accrocher pour l’apprécier.

Note : 4.5 sur 5.
Publié dans Fantastique, Horreur

Le portrait du mal – Graham Masterton

De quoi ça parle ?

Un portrait de douze personnages au visage en décomposition… La toile est l’oeuvre d’un certain Waldegrave, ami d’Oscar Wilde et passionné d’occultisme, mais elle est sans valeur et plutôt médiocre. Alors pourquoi la mystérieuse Cordélia Gray veut-elle à tout prix s’en emparer? Quel est le secret du portrait? Qui sont les douze personnages? Vincent Pearson, l’actuel propriétaire du tableau, découvre un lien entre cette œuvre démoniaque et une série de meurtres particulièrement abominables qui secouent depuis quelques mois la Nouvelle-Angleterre…

Et c’est bien ?

Pas grande lectrice d’horreur, cet ouvrage m’intéressait surtout pour son clin d’oeil au Portrait de Dorian Gray, un de mes ouvrages fantastiques favoris. Je n’aime pas particulièrement les bouquins dont les textes suintent et te giclent des scènes sanglantes à la figure et j’ai été agréablement surprise que celui-ci ne fasse pas partie de cette catégorie. Le style de Masterton est classique, mais de bonne facture, plaisant à lire, et présente juste ce qu’il faut de flippant, sans t’en dire trop, pour que ton cerveau turbine. Ce qui arrive aux protagonistes est parfois (nan, souvent en fait ^^ ) horrible, mais on ne tombe pas dans la surenchère de détails scabreux.

L’histoire prend rapidement des traits de thriller. On a un tableau, une famille d’écorcheurs qui a l’air de chercher quelque chose de bien précis, un galeriste et un flic. Les notes de surnaturelles s’incorporent au quotidien de chacun, chaque nouvel éclairage donne envie de bondir dans le chapitre suivant avec juste ce qu’il faut d’étincelle un brin angoissante.

J’ai particulièrement apprécié l’ambiance, pas franchement gore ou glaçante, mais gluante, vaguement inquiétante, poite, le tout accompagné d’une description presque vampirique de la famille Gray. J’ai aimé que l’auteur insinue quelques questionnements, notamment sur la notion de mal et de bien ; on se rend compte que si certains personnages du côté des gentils n’avaient pas agi à certains moments, nos écorcheurs n’auraient peut-être pas agi comme ils l’ont fait.

Quelques bémols cependant, sur la fin et les explications apportées. Certaines notions et retournements de situation m’ont peu convaincue, et une des explications quant à l’histoire du tableau m’a paru un peu sortir comme un lapin du chapeau.

En somme, une lecture très agréable, qu’il m’a été difficile de lâcher, et dont j’ai apprécié le rattachement, l’air de rien, au travail de Wilde. Un très bon classique du genre, à découvrir.

Note : 4 sur 5.
Publié dans Fantastique, PLIB 2023

La cour des ombres – Marion Lecomte #PLIB2023

De quoi ça parle ?

1662 : alors que le polythéisme a été depuis longtemps renié et les dieux grecs rejetés, Louis XIV instaure un nouveau culte, celui du Soleil, liant l’astre suprême à sa royauté. Si cette célébration inédite permet au monarque de briller de mille feux, elle permet aussi à Apollon, endormi depuis des siècles, de se réveiller et de réveiller ses semblables, eux aussi plongés dans un sommeil forcé suite à l’abandon de leur peuple.
Forts de cette source d’énergie aussi bienvenue qu’inopinée, les Olympiens décident de récupérer leurs pouvoirs et leur influence. Leur vient alors une idée : infiltrer la cour française en toute discrétion afin d’alimenter les passions mythologiques et, ainsi, d’assurer leur survie.

Sous les traits de Louis XV, fameux « homme au masque de fer » tenu éloigné des mondanités pendant des années, frère du très regretté Roi-Soleil disparu soudainement, Zeus investit le château de Versailles, accompagné des siens. Mais, avides de pouvoir, aveuglés par leur retour au sommet, les dieux en oublient l’essentiel : sans l’amour des Français, ils ne sont plus rien. Tandis que le peuple gronde et que la couronne est menacée, des complots voient le jour. Du plus haut des Cieux au plus profond des Enfers, tous n’ont plus qu’un seul objectif : faire de la cour de Versailles la nouvelle scène de leur divinité retrouvée.

Et c’est bien ?

Amours et frivolités à la cour de France, les dieux grecs débarquent pour prendre la tête du pays et se faire la guerre à coup de statues ; Apollon voulait des soleils et Zeus des éclairs, rien ne va plus. Hadès décide de faire le ménage, parce que les humains commencent à râler, et de rétablir l’ordre avec Perséphone en se faisant passer pour roi et reine. Pendant ce temps, Christian, l’amant humain d’Apollon, dit « Apo », décide de se venger d’avoir été trahi en rejoignant les Lumières et tenter de provoquer une révolution.

Je n’ai pas du tout adhéré à cette histoire. Dans un premier temps je dois confesser que je trouve rarement bons les romans contemporains qui reprennent la mythologie gréco-latine. Ensuite, ici, j’ai eu beaucoup de mal avec la façon dont l’histoire est menée. La narration part un peu dans tous les sens, et de récit de complot, devient quelque chose qui ressemble à une tranche de vie version mythologie à Versailles, le tout mâtiné d’un glamour que je n’ai pas trouvé très bienvenu.

Les pans d’histoire en arrière-fond ne sont pas de grande utilité et ne servent que de décors, au final très peu d’enjeux découlent de la période choisie, ou alors sont très peu exploités. A la place on glisse de manière très bizarre vers une histoire qui n’a pas grand-chose à voir avec le début. Apollon, personnage de premier plan, cède le terrain au couple Hadès / Perséphone et l’histoire bascule dans un récit un peu bisounours sur leur relation et la manière dont ils redressent les bêtises de leurs divins confrères et consoeurs. Côté mythologie, ça défile et j’ai eu, sur le dernier tiers, une impression de catalogue : divinités majeures et mineures, avec rappel de qui est qui quasiment systématique.

Je n’adhère pas non plus à la manière dont l’histoire est racontée ; Apollon finit par être surnommé « Apo », et la narration et le style m’ont paru sans relief, ne contribuant pas franchement à mon intérêt pour l’ouvrage.

Note : 1 sur 5.

#ISBN9782492534256
#PLIB2023A
#PLIB2023

Publié dans Fantastique, PLIB 2023

Un chien d’enfer – Maxime Herbaut #PLIB2023

De quoi ça parle ?

Au retour d’une soirée à l’opéra de Lille, un jeune couple est victime d’un grave accident de voiture. À son réveil à l’hôpital, Félix apprend qu’Ambre est décédée. Il se retrouve aussi affublé d’un chien qu’il n’a jamais vu, un Jack Russell espiègle et affectueux qui ne quitte plus sa chambre.

Félix le nomme Frisbee et tente de reconstruire sa vie avec lui, mais une série d’évènements étranges va lui faire comprendre que ce nouveau compagnon n’est pas ce dont il a l’air. À mesure que les pouvoirs surnaturels de Frisbee se révèlent, les questions se font plus pressantes : qui est-il ? D’où vient-il ? Quels sont les risques à le garder ? Mais la plus importante : est-ce lui qui a provoqué l’accident ?

Et c’est bien ?

J’ai longtemps trouvé le genre fantastique peu adapté au roman, la nouvelle ou la novella présentant à mes yeux un format idéal pour cet exercice. Un chien d’enfer, de Maxime Herbaut, m’a montré qu’il était possible d’écrire un texte long collant au genre, et qui tient à la route tout du long.

Je m’attendais à un texte d’horreur et je peux d’ores et déjà rassurer tous les frileux et les frileuses de ces genres, quelques scènes inquiétantes sont présentes, mais on n’est pas ici sur un récit d’horreur. Un chien d’enfer, c’est d’abord une atmosphère, liée au résumé si on l’a lu, celle de l’attente de ce qui va se passer. Sous les dehors de la normalité du quotidien, Maxime Herbaut sait conserver l’intérêt du lecteur de manière intéressante et prenante. Certains ouvrages du style m’ont donné l’impression de brasser du rien pour renforcer le surnaturel et je m’y suis fait suer. Ici, le quotidien de Félix est marqué par une tension sous-jacente qui donne toute sa saveur au texte.

Les jeux que l’auteur opère sur la réalité – le propre du fantastique – sont fins, cohérents et mettent réellement en valeur tout ce que l’on a lu jusqu’aux points de non-retour. La fantasmagorie est présente par petites touches marquantes et, bien sûr, mâtinée d’un doute permanent.

La plume est belle et j’ai aimé les références culturelles de l’auteur dans son texte. Bien sûr, le fameux Don Giovanni qui émaille le récit, mais aussi les clins d’oeil aux Tex Avery et ses petits frères de la Warner. Entre les tranches de vies de Félix, ces deux éléments (l’opéra de Mozart et les dessin animés) jouent le rôle d’interludes d’abord mystérieux, puis de plus en plus inquiétants ; j’ai aimé la façon dont ils ponctuent et font écho à l’histoire de Félix à mesure que les événements se précipitent.

Jusqu’à la fin il m’a été bien difficile de lâcher ce livre. Maxime Herbaut parvient avec talent à nous mettre dans la peau et les états d’âme de personnage principal. Je m’attendais à ce que la conclusion soit plus concrète mais, à mon grand plaisir, l’auteur a joué la carte fantastique (je parle bien ici du fantastique à la Todorov) jusqu’au bout. Une réussite.

Note : 4.5 sur 5.

#PLIB2023
#PLIB2023A
#ISBN9782491874216

Publié dans Fantastique, PLIB 2023

669 Peony Street – Mélanie Launay #PLIB2023

De quoi ça parle ?

Bienvenue à Sleepy Hawthorn, petite ville paisible de l’Angleterre victorienne. George Breathman, son éminent docteur, est à la veille de révéler une découverte qui pourrait changer le destin de toute l’humanité. Mais le fruit de ses recherches, consignédans un carnet destiné à son associé, n’arrivera jamais jusqu’à Londres…

Point de départ d’événements inexpliqués, son terrible secret ne sera déterré que dix ans plus tard, à bord du Blooming Greenfield, un train énigmatique fonçant à toute vapeur à destination du 669 Peony Street, où se dresse un impénétrable manoir.

Et c’est bien ?

Lecture très ambivalente que celle de 669 Peony Street. Très enthousiaste à la lecture du résumé, j’ai été surprise de plonger dans un univers et une imagination singuliers, mais aussi dans une narration bizarre. Le mot qui qualifie le mieux ma lecture, c’est frustration.

Le début de l’ouvrage est particulièrement laborieux. D’entrée de jeu, il y a un gros problème d’organisation du texte. L’autrice catapulte en l’espace de deux, trois pages un bon paquet de noms de ses personnages, ainsi que leur surnom. Si ce n’était que cela, quelques notes à côté et passe. Le souci, c’est qu’en prime le style de narration et la rédaction pêchent par leur lourdeur, et par une syntaxe alambiquée, et même parfois erronée. Des pronoms qui ne renvoient pas aux bons noms, des appositions emberlificotées… Il m’a fallu m’accrocher pour passer outre cet aspect. Certes, cette narration problématique finit par se lisser au fil du texte. Néanmoins, il reste un nombre assez déconcertant de phrases qui commencent par « mais » (minimum une par page) et de phrases qui n’en sont pas, des appositions qui ont oublié leurs virgules et qui se baladent, toutes seules, qui hachent complètement la narration. Sans compter l’imitation d’un style victorien assez lourd, qui aurait pu être allégé ou fluidifié. Je suis assez étonnée que le texte ait été publié en l’état, je pense réellement qu’il aurait dû être retravaillé, et qu’éditorialement, un truc a été foiré.

C’est donc dans une espèce de brouillard chaotique que j’ai tenté de faire mon chemin, de piger qui était qui et où est-ce que l’on voulait que le lecteur aille. Malgré tous les désagréments cités plus haut, ce que l’autrice met en scène est franchement pas mal, malheureusement cela ne rattrape pas tous les soucis de narration, et j’avoue que j’ai, pour le coup, un sentiment de gâchis.

Parce que l’autrice a un vrai univers victorien franchement cool et parce que ce qu’elle imagine est loin d’être dégueu. J’ai aimé le jeu sur la réalité qu’elle opère. J’ai aimé la fin et ce qui se dévoile. J’ai trouvé très bien mené le fait que l’on ne découvre que via les ragots des acteurs et actrices d’une société déliquescente les différents secrets que chacun cache. Les personnages gagnent en relief et une trame de fond loin d’être inintéressante se dessine. Il y a même eu un moment où, malgré le style, j’ai eu du mal à lâcher le livre, juste parce que ce que narraient les protagonistes était prenant. L’ensemble a un petit goût Alice au pays des merveilles sauce Mr Jack et l’esthétique que convoque Mélanie Launay pour la petite ville de Sleepy Hauthorn est plutôt réussie.

C’est loin de la déception que je voyais poindre sur le premier tiers. Le début est vraiment le pire à mon sens. En allant me renseigner sur le texte, j’ai découvert que 669 Peony Street était à l’origine une nouvelle lauréate d’un concours, et je me pose des questions sur les conditions de publication, qui ne me semblent pas avoir été, à l’aune de ce que j’ai lu, à l’avantage du texte. Quoi qu’il en soit, je pense que je vais suivre les autres publications de Mélanie Launay ; son imaginaire m’intéresse et je serais intéressée de la suivre dans ses univers.

Note : 2.5 sur 5.

#PLIB2023
#PLIB2023A
#ISBN9782749947488