
De quoi ça parle ?
Au plus froid de l’hiver, Vassia adore par-dessus tout écouter, avec ses frères et sa sœur, les contes de Dounia, la vieille servante. Et plus particulièrement celui de Gel, ou Morozko, le démon aux yeux bleus, le roi de l’hiver. Mais, pour Vassia, ces histoires sont bien plus que cela. En effet, elle est la seule de la fratrie à voir les esprits protecteurs de la maison, à entendre l’appel insistant des sombres forces nichées au plus profond de la forêt. Ce qui n’est pas du goût de la nouvelle femme de son père, dévote acharnée, bien décidée à éradiquer de son foyer les superstitions ancestrales.

Et c’est bien ?
Un ouvrage dans lequel j’ai eu bien du mal à me couler, mais que je ne regrette pas de m’être acharnée à lire, il fait partie de mes meilleures lectures de l’année pour l’instant.
L’entrée dans le texte m’a été plutôt laborieuse. La mise en place prend son temps ; le lecteur est plongé dans le quotidien d’une famille de seigneur terrien de la Rus’ médiévale. On y découvre leurs liens avec le pouvoir, l’enfance de Vassilissa, la plus jeune fille, qui semble avoir hérité d’étranges pouvoirs maternels, ainsi que les différentes créatures qui peuplent leurs environs. La touche surnaturelle est particulièrement ténue et l’application avec laquelle l’autrice pose son décor m’a parue un peu longue malgré les qualités multiples de ces détails.
Katerine Arden connaît manifestement très bien l’histoire et le folklore slaves et il m’a été d’un réel plaisir de découvrir la Russie du 14e siècle, son paysage géopolitique, et surtout, ce qui va faire point de tension dans le texte, toutes les ficelles liées à la religion et à la culture païenne. C’est d’ailleurs cet élément, et la bascule qui s’opère vers le milieu du texte, qui a raccroché mon intérêt pour cette lecture. L’autrice se sert à merveille des ficelles qui opposent le christianisme au folklore, à travers l’arrivée d’un prêtre dans la famille de Vassilissa – Vassilissa qui semble capable de voir les multiples petits démons qui habitent et nourrissent son environnement.
Outre le fait que la prose de Katerine Arden se tient très bien et se lit avec plaisir, le mélange de contes et d’éléments banals qui progressivement trouvent un point d’orgue dans cette lutte spirituelle devient vite passionnant. Lutte qui opposent une religion coupée de son environnement, de la nature des hommes et des bêtes, à des croyances ancrées dans un réel que l’on ne comprend pas toujours, mais avec lequel l’homme vit en harmonie en en acceptant autant le positif que le négatif.
Le dernier tiers verse complètement dans la fantasy option contes et onirisme et relie les fils que l’autrice a tissés avec patience depuis le début, pour finir en apothéose qui m’a convaincue définitivement de plonger sous peu dans les tomes suivants. Un récit de très bonne facture, qui vaut la peine de s’accrocher pour l’apprécier.