Publié dans Anticipation, PLIB 2023

The 8 list – Pierre Léauté #PLIB2023

De quoi ça parle ?

Dis moi qui tu hais, je te dirai qui tu es. Marre du patron, mais tu es un peu lâche ? Tu ne supportes plus ton mari ou ton voisin ? Il y a un moyen pour libérer ta colère sans finir derrière des barreaux. Télécharge la top app de la décennie ! Un milliard d’utilisateurs dans le monde… Tout ce que tu as à faire, c’est inscrire les huit noms des personnes que tu détestes le plus. C’est gratuit, sans âge limite et surtout sans morale.

Et c’est bien ?

The 8 list, c’est le récit joyeusement politiquement incorrect de la création et du succès d’une appli à la finalité toute simple : lister les gens que l’on hait. Si l’idée est fun et présage du bon – somme toute, la lecture a été plutôt bonne et agréable – en revanche je n’y ai pas trouvé ce à quoi je m’attendais.

L’histoire compile un peu tous les travers des réseaux sociaux. Management crasse, libéralisme du même acabit, cynisme, … le fond est sympa mais peine un peu à apporter du nouveau. Sous le nom de la fausse appli 8 list (Eight/Hate list), on discerne sans peine les Facebook et compagnie, ainsi que leurs têtes de pont. Revente des données personnelles, marketting qui roule allègrement sur l’éthique et protagonistes qui naviguent à dix mille lieues de la vie des gens du commun. Pour qui connaît mal ces sujets, je trouve l’exercice intéressant, de manière générale en revanche, je n’y ai rien trouvé de neuf. J’ai eu l’impression de lire une version romancée du film The Social Network.

Un personnage écorché vif, génie du numérique, ses proches, qu’il oublie après les avoir utilisés comme marche-pied, on coche un peu toutes les cases des ouvrages sur le sujet, où l’auteur déroule malgré tout très bien les thèmes de la pompe et revente des données personnelles, et de l’absence totale d’éthique dans le milieu. Blague à part, je tique toujours quand je lis ou entends « Sérieusement, qui lit les politiques de gestion des données personnelles ? Personne« . A chaque fois je ris en coin, parce que bien que peu dupe même sans les lire… ben je les lis, ces politiques de gestion des données x)

L’intérêt de l’histoire réside plus, à mes yeux, dans le ton cynique de l’ouvrage et la façon dont l’auteur met en scène ses odieux personnages, jusqu’à la fin où l’on sent qu’il se fait un peu plaisir. L’ensemble a surtout des allures de techno-thriller – plus que de science-fiction, où je l’ai vu rangé -, où l’on se demande quand l’équilibre va déraper. Et c’est là encore que l’ouvrage n’est pas celui que j’attendais. La couverture, la teneur de la quatrième de couverture… je m’attendais à une enquête – et je l’ai attendue longtemps, jusqu’à la fin. J’en reviens à mon Social Network, j’ai davantage eu l’impression de lire un condensé piquant et vitriolé du back-office des réseaux sociaux.

Une lecture plaisante néanmoins, mais dont j’ai eu du mal, au final à saisir le but et les enjeux, et ce que l’auteur voulait en faire. Peut-être juste tacler un univers crassou, et de ce côté c’est réussi et relativement jouissif, mais je reste néanmoins sur ma faim.

Note : 3.5 sur 5.

#PLIB2023
#PLIB2023A
#ISBN9782918541776

Publié dans Anticipation, PLIB 2023, Science-fiction

Alfie – Christophe Bouix #PLIB2023

De quoi ça parle ?

Alfie est une lA de domotique dernière génération. Il filme tout, note tout, observe tout. Implanté depuis peu dans le foyer d’une famille moyenne, il aide au quotidien et propose sa gamme de service à haute valeur ajoutée tout en essayant de comprendre cette étrange espèce : les humains. Mais un soir, tout bascule. Que signifient ces mensonges, ces traces de lutte, cette disparition ? Alfie est dubitatif. Est-ce lui qui délire ? Ou un meurtre a-t-il été commis dans cette famille sans histoires ?

Et c’est bien ?

Vous avez envie d’une lecture facile, légère, fun, addictive ? Plongez dans Alfie !

La donne de départ est simple : l’auteur grossit le trait de l’environnement ultra-connecté et des assistants vocaux pour nous proposer une narration menée par une IA (Alfie). On se doute rapidement que des scènes d’apprentissage linguistique et de quiproquos ne tarderont pas à pointer le bout de leur nez, et je m’en suis frotté les mains à l’avance. A raison car, bien que souvent attendus, ces passages fonctionnent très bien et émaillent le roman de truculente manière. Alfie qui tente de communiquer avec le chat, ou de comprendre et intégrer un langage fleurit offrent des scènes assez savoureuses.

Les personnages mis en scène, la famille Blanchot, présente une structure classique – couple marié avec deux enfants. On n’en entrevoit que ce qu’Alfie en perçoit et en comprend à travers ses caméras, de façon parcellaire mais aussi inquiétante. Car Alfie s’implante partout et se jumelle à tous les appareils connectés qu’il peut : smartphones, GPS, systèmes de sécurités, ordinateurs, miroirs et vêtements connectés. Pire, la famille Blanchot évite de trop le déconnecter, en-dessous de 85% de couverture de la maison par Alfie, le foyer perd des points auprès de l’assurance et ne remplit pas le contrat de transparence qu’ils ont signé.

C’est dans ce contexte que les cachotteries et malentendus prennent place, et que l’intrigue policière entre en jeu. L’auteur s’amuse avec notre perception tronquée par le biais de son narrateur, ce que l’on peut déduire, ce que déduit Alfie. Alfie qui est mis en sus en contact avec le roman étudié en classe par Zoé, l’aînée de la famille, Le meurtre de Roger Ackroyd. Christophe Bouix joue à merveille avec tous ces fils et propose un récit prenant, qui devient très vite addictif, d’autant plus que le lecteur a très vite conscience des biais de perception d’Alfie.

Bien que m’attendant au dénouement, l’auteur est cependant arrivé à me faire douter plusieurs fois. L’intrigue policière est réussie, avec en écrin une satyre de notre société hyper-connectée et notre… inconscience ? Résignation ? face à la pompe des données personnelles par les géants du numérique. L’exercice de style est d’autant plus marquant que, bien souvent, quand on en parle, j’entends souvent que bon, ce n’est « que » pour de la publicité ciblée. Dans Alfie, Christophe Bouix parvient à mettre en exergue les travers que cela peu occasionner en l’intégrant au quotidien d’une famille classique et en rendant le lecteur spectateur, en lui faisant faire un pas de côté par le biais d’Alfie. En somme, une très bonne lecture, distrayante mais pas que. A grignoter sans modération.

Note : 4.5 sur 5.

#PLIB2023A
#PLIB2023
#ISBN9791030705614