De quoi ça parle ?
AVERTISSEMENT : cette anthologie peut contenir des textes aux éléments trop salés, trop gras, trop sucrés pouvant entraîner une addiction certaine à la lecture.
Vingt ans ont passé depuis que Philippe Heurtel a eu cette idée de génie : créer un fanzine SFFF dédié à la cuisine, les plaisirs du palais, la gastronomie… bref, la bouffe, sous toutes ses formes. Un vrai fanzine, fait à la maison, drôle, grinçant, innovant, parfois foutraque – et terriblement addictif.
Après dix ans et près de trente numéros, le fanzine a été mis au frais quelques années jusqu’à ce que les marmitons Vincent Corlaix et Olivier Gechter décident de recréer une brigade spéciale Anniversaire. Et parce qu’en littérature comme en cuisine, la présentation est cruciale pour apprécier, c’est Maître Caza qui s’est chargé de l’illustration.
Au menu de cette anthologie à consommer sans modération, vingt artistes pour célébrer ces vingt années :
Alfred Alamo traduit par Jacques Fuentealba ; Anthony Boulanger ; Ophélie Bruneau ; Philippe Caza ; Bénédicte Coudière ; Irène Delse ; T. Gàidhlig, Philippe Heurtel ; Noémie Lémos ; Romain Lucazeau ; Sylvie Miller ; Alex Nikolavitch ; Bérénice Paquier ; Lilian Peschet ; Thimothée Rey ; Michaël Rochoy ; Jean-Marc Sire ; Ketty Steward ; Jean-Louis Trudel.
Et c’est bien ?
20 textes sont proposés, ça fait pas mal, et sur l’ensemble, bien peu ne m’ont pas du tout plu. J’ai particulièrement apprécié la variété des traitement proposés, leur originalité et leur qualité. Petit retour très bref sur les textes :
Citrouillon ou l’envers d’un conte, de Sylvie Miller. Histoire narrée du point de vue de la citrouille qui sert de carrosse à Cendrillon. Idée très originale, mais je n’ai pas été transportée plus que ça par le développement, même si la balade a été sympathique.
J’ai découvert la plume d’Ophélie Bruneau avec Un crocus de trop. Si l’ensemble m’a semblé manquer d’aboutissement et pas mal frustrée, j’ai néanmoins adoré l’univers magie-nourriture proposé et la plume très fluide et travaillée.
Brocolis go home, de Philip Caza, est à déguster. Très court mais poilant à souhait, à déguster en se délectant d’une bonne soupe.
La spéciale du chef au champignons de Timothée Rey est particulièrement délectable, drôle, décalée, complètement WTF. On part sur des civilisations-pizzas. Un de mes textes favoris. Des nouvelles du Tibbar arrive très prochainement dans ma bibli.
J’ai trouvé Cuisine de la Terre lointaine, d’Alex Nikolavitch assez mélancolique, et en même temps imaginer des non-terriens tenter de reconstituer des goûts qu’ils n’ont jamais connu donne lieu à un texte intéressant.
Pas convaincue plus que ça par La soupe de 100 jours, de Bénédicte Coudière. L’idée de départ était sympa, mais l’arrivée m’a déçue.
Pas apprécié non plus Ceci est mon corps, de Bérénice Paquier. Le « truc » m’est apparu dès les premiers mots, et je ne suis pas spécialement fan de la teneur de la nouvelle.
Diminution des ressources et géants de la restauration au programme de Des effluves d’ail dans ta voix, de Jean-Marc Sire. Assez désopilant, avec une petite pointe d’acidité.
Restes, d’Alfredo Alamo, propose un texte sombre qui m’a bien donné la nausée. Pari réussi de donner faim au lecteur (du moins dans les premières lignes) tout en le dégoûtant de ce qu’il lit. Je ne sais pas si j’ai apprécié, je crois que c’est l’atmosphère très dérangeante qui m’a troublée.
Pastiche de Sherlock Holmes réussi avec Une affaire du goût, de Philippe Heurtel. Une enquête, une culture exotique, de la magie… J’ai un peu peiné au début mais je me suis finalement laissée prendre au jeu d’une histoire agréable.
Jolie trouvaille que la nourriture spectacle (je n’en dis pas plus) dans L’harmonie des douleurs, de Jean-Louis Trudel. Pas conquise par la nouvelle mais j’ai beaucoup aimé ce qui est imaginé.
De Gustibus, de Ketty Steward, est absolument génial, elle imagine une société que le rapport à la nourriture à modelée sur le plan du langage, et c’est très réussi. Il ne s’agit pas que d’un exercice de style, j’ai également beaucoup aimé l’histoire. Un autre de mes textes préférés.
Vengé jusqu’au trognon d’Anthony Boulanger propose le contexte d’une chasse particulière avec la mythologie nordique en toile de fond. La construction du texte m’a assez longtemps perdue, avant que les fils soient peu à peu noués. Le contexte et la mise en scène sont très bien trouvés.
Instant d’angoisse avec Rouge groseille, de Noémie Lemos (dont j’avais apprécié l’univers chez Oneiroi). On s’attend à la fin, mais la mise en scène est très bien pensée.
3e coup de coeur parmi les textes avec Le poids des finances, de Michaël Rochoy, particulièrement grinçant sur le monde économique ; et le croisement avec le thème nourriture est savoureux. Coup de coeur également pour la plume.
Pas très emballée par Les recettes du changement, de Lilian Peschet, même si là encore le thème a été accommodé de manière originale.
Complètement conquise par le Glasgow fantasmé de T. Gaidhlig dans Le Consortium MC. La thématique est sombre et bien flippante, puisque l’on évolue dans un milieu carcéral dont on va découvrir d’inquiétantes pratiques, même si l’on se doute bien dès le départ que ça n’est pas rose vu la situation du protagoniste.
Très très chouette mise en scène avec Décalages culinaires, d’Irène Delse, je lui ai trouvé un côté Armée des douze singes sur le principe – moins l’atmosphère glauque – que j’ai beaucoup aimé.
Je suis ressortie du recueil avec pas mal de noms pour lesquels je vais sûrement aller fureter histoire de retrouver le plaisir de la plume et de l’imagination. Un recueil très riche, et un thème original, que j’ai trouvé traité en prime de manière très variée
Info livre :
Année de parution : 2021
Editeur : Gephyre
Isbn : 9782490418497