Publié dans Fantastique, Horreur, Nouvelles

Bienvenue à Sturkeyville – Bob Leman

Illustration de Stéphane Perger

De quoi ça parle ?

Bienvenue à Sturkeyville, ce sont six nouvelles fantastiques horrifiques, remises au goût du jour par les éditions Scylla. Six nouvelles écrites dans les années 70-80 par Bob Leman, qui ont toutes pour point commun de se passer dans la ville américaine imaginaire de Sturkeyville. Au programme :

  • La Saison du ver (The Time of the Worm)
  • La Quête de Clifford M. (The Pilgrimage of Clifford M.)
  • Les Créatures du lac (Feesters in the Lake)
  • Odila (Odila)
  • Loob (Loob)
  • Viens là où mon amour repose et rêve (Come Where My Love Lies Dreaming)

Et c’est bien ?


La nouvelle est un exercice que j’apprécie particulièrement, d’autant plus que je trouve que le format se prête particulièrement bien au genre fantastique. J’ai pris grand plaisir à découvrir ces six histoires.

Les codes du fantastiques sont au rendez-vous ; les non-dits et l’indicible, les monstres et les malédictions tapis dans des maisons ou recoins de rues délabrées, les personnages inquiétants et la montée de l’angoisse. Au gré de chacune d’elles, vous croiserez des vers télépathes, des vampires, des maisons hantées, des personnages maudits sujets à d’inquiétantes mutations.

Bob Leman ménage ses effets à la perfection, chaque nouvelle est particulièrement réussie sur le point de la narration : on nous dépeint une situation, et l’intérêt grandit à mesure que l’auteur dévoile les sombres secrets que cachent ses personnages. La langue est savoureuse et délicieusement désuète, de celles qui mettent en scène l’histoire, en l’exposant comme une histoire que l’on raconterait au coin de feu, à la tombée de la nuit.

Pas de temps mort dans ce recueil, comme cela peut arriver, chacune des nouvelles est particulièrement prenante. Une excellente lecture, que j’ai pris autant de plaisir à lire qu’un recueil de Poe ou de Maupassant.

Note : 5 sur 5.

A lire si vous cherchez :

– des nouvelles fantastiques
– des frissons
– un univers qui se déploie au gré de plusieurs textes (Sturkeyville)

Publié dans Fantasy, Horreur, Nouvelles, Science-fiction

Crocs & alambics – anthologie

Illustration de Tithi Luadthong

De quoi ça parle ?

«Jour inconnu. La créature rôde au gré de nos couloirs. À mesure de sa recherche de chair, elle semble gagner en intelligence. Comme si cette chasse incessante était un jeu, une source de connaissance pour elle. Je suis si fatigué ; cette fuite, cette survie dans ce centre de recherches abandonné et clos, me rend fou. Je stagne dans ma déchéance. C’était un test. Juste un test…? ».

Et c’est bien ?

Le ton est donné à travers la quatrième de couverture, qui n’est autre que le texte proposé par la maison d’édition Crin de chimère lors de l’appel à textes : des expériences et du monstre à travers ce recueil de dix nouvelles. Ce panel propose tant fantasy que science-fiction et horrifique. Premier livre pour moi chez cet éditeur, et aucun auteur ou autrice que je connaisse, totale découverte donc, chaudement recommandé par ma copinaute Yserei. Petit tour d’horizon.

Le recueil s’ouvre sur la nouvelle Moonshine, de Philippe Aurèle Leroux, où le lecteur, au côté des protagonistes, découvre un mystérieux vaisseau apparemment vide en orbite d’une planète, ainsi qu’un journal de bord qui vire de plus en plus inquiétant. L’auteur alterne les fragments du journal de bord, fragments qu’il distille pour que le lecteur ait à peine une longueur d’avance sur les personnages, et l’exploration du vaisseau. L’atmosphère fait complètement penser à Alien, les inventions, mêlées de facéties, sont sympa comme tout, la plume est efficace, prenante, très agréable, et l’auteur glisse çà et là des notes d’humour fort appréciable dans ce texte haletant. Premier essai transformé.

Sangpiternel, de Yoann Dubos proposé un texte horrifique particulièrement angoissant, dans lequel une église fanatique de la chair semble beaucoup en vouloir aux humains modifiés mécaniquement, qui osent attenter à leur chair. Je ne vous en dis pas plus. J’ai apprécié que, malgré le côté particulièrement rebutant de certains passages, l’auteur n’en fasse pas des caisses. La technologie et le monde crasseux, presque steampunk, qu’il imagine, sont passionnants à découvrir. Là encore très belle plume, que j’ai suivie avec plaisir.

Un bon pulp pour insuffler un peu de légèreté après son prédécesseur, Partie de chasse, de Fabrice Pittet m’a aussi énormément plu. Lancés à la poursuite d’un monstre gréant sur une planète hostile, Mordo et Sherlo, deux mercenaires particulièrement bourrins et décérébrés m’ont embarquée – et bien fait rire – dans leurs pérégrinations farfelues. La fin est particulièrement savoureuse.

Où est le monstre ?, de Constantin Louvain m’a un peu moins emballée. La nouvelle est bien écrite, mais je crois surtout que la barre était très haute avec les trois premiers textes, et que celui-ci m’a paru plus quelconque. Un militaire chargé de tirer des informations d’un scientifique-saboteur afin de sauver ses collègues à la merci d’un monstre. Le texte joue sur le double sens du titre. Si la balade était sympathique, elle m’a moins marquée que les autres.

La plus belle des réussites, d’Alexandre-Fritz Karol, emmène le lecteur dans un monde exsangue, marqué par une guerre contre des Abominations sorties des éprouvettes de personnes peu recommandables. L’auteur nous invite à voyager sur une mer qui se révèle davantage farcie de monstres qu’elle ne le devrait, et à partager le sort fort angoissant qui attend son équipage. Coup de coeur pour la plume, que j’ai trouvé très belle, eeeeet je soupçonne l’auteur d’avoir développé un univers dont on n’entrevoit ici qu’une partie (d’ailleurs, j’avoue que si un autre texte dans cet imaginaire était proposé, je signerais direct 😉 ). Coïncidence fort à propose, lors de ma commande sur le site éditeur, j’avais hésité entre le présent recueil et un roman, Printemps de funéraille, qui se révèle écrit par l’auteur de cette nouvelle, et qui va certainement rejoindre mes étagères sous peu.

Une très intéressante inversion de rôle et de points de vue dans le texte Cauchemar organique, de Paul Vialart. L’héroïne du texte se réveille aux mains d’une Machine qui semble vouloir attenter à son intégrité. Dès lors, il s’agit de fuir, mais cela devient compliqué avec une mémoire qui flanche. Je suis restée un peu dubitative tout le long du récit, mais il faut avouer que la fin fait tout, et est particulièrement bien pensée.

Le cantique de Schrodinger de R. Sennelier, encore une très bonne lecture avec une entreprise qui propose aux personnes mutilées de remplacer leurs membres par des prothèses interchangeables, faisant d’eux des modulaires. On y trouvera des thèmes de science-fiction assez classiques, notamment celui de la liberté mise à mal par des intérêts privés, mais l’ensemble est très bien pensé.

Caris & Cagom, de K. Sangil est plutôt original dans ce qui est imaginé, mais j’ai davantage peiné sur ce texte. Sûrement en grande partie à cause de la mise en page – la lecture en colonne a une raison bien précise et logique, néanmoins, le côté fragmentaire de la lecture qui en découle m’a sortie du texte plusieurs fois le temps de recoller les morceaux.

Une petite déception avec Ad Monstrum de Jenna Preston-Penley et Alicia Alvarez. La plume des autrices est intéressante, mais je n’ai pas apprécié ce qui est proposé dans ce texte, qui en plus m’a déroutée plusieurs fois avec des choix de vocabulaire que j’ai trouvés étranges. Un affrontement sanglant de monstres de laboratoire pour le plus grand plaisir d’une foule en délire, adepte de ce qui semble devenu un « sport », avec ses stars. J’ai trouvé le retournement de situation un peu facile et n’ai pas trouvé d’intérêt dans le texte.

Xoth, de Kaegor de Rion vient conclure l’anthologie. Texte de fantasy horrifique dont j’ai beaucoup apprécié l’univers, l’atmosphère et l’imaginaire proposés, en revanche j’ai trouvé la narration parfois un peu confuse. J’en suis ressortie mitigée, néanmoins je serais curieuse de découvrir l’univers de l’auteur à travers d’autres textes. J’ai bien apprécié la présence de l’alchimie proposée dans le texte, thème qui ne m’intéresse pas forcément et que je croise rarement, mais que j’ai trouvé plutôt bien exploité ici.

En conclusion donc, un recueil que j’ai trouvé d’excellente qualité et dont je ressors particulièrement enthousiaste. Les plumes et imaginaires proposés sont d’une grande richesse et de très bonne facture, et j’ai d’ores et déjà noté plusieurs nom que je suivrai avec plaisir.

A lire si vous recherchez :
– de nouvelles plumes de qualité
– de la fantasy ou science-fiction horrifique
– des savants fous et des expériences inquiétantes

Note : 5 sur 5.