Publié dans Fantasy, Science-fiction, Steampunk

Les tambours du dieu noir, suivi de L’étrange affaire du djinn du Caire – P. Djèli Clark

De quoi ça parle ?

Louisiane. Années 1880. Tandis qu’une guerre de Sécession interminable démantèle les États-Unis d’Amérique, un complot menace La Nouvelle-Orléans, territoire indépendant libéré de l’esclavage, au cœur duquel les Tambours du dieu noir, une arme dévastatrice jalousement gardée, attisent les convoitises. Il faudra tout le courage et la ténacité de Jacqueline « LaVrille » – jeune pickpocket qui rêve de découvrir le monde –, ainsi que la magie ancestrale des dieux africains qui coule dans ses veines, pour se faire entendre et éviter le désastre.

Le Caire. 1912. Depuis une cinquantaine d’années, les djinns vivent parmi les hommes et, grâce à leur génie mécanique, l’Égypte nouvelle s’est imposée parmi les puissants. Ce qui ne va pas sans complications… Pour preuve l’étrange affaire du djinn du Caire, que se voit confier Fatma el-Sha’arawi – agente du ministère de l’Alchimie, des Enchantements et des Entités surnaturelles – quand un djinn majeur est retrouvé mort. Suicide ? Trop évident. C’est une machination diabolique que Fatma va mettre au jour.

Plongée à nouveau dans l’univers de Phenderson Djèli Clark à travers deux textes aux atmosphères foncièrement différentes.

Celle du premier texte, sombre, pluvieuse, convoque un univers façon bayou, où la magie des dieux et déesses yoruba a suivi les descendants d’esclaves. Les deux héroïnes valent vraiment le détour (d’ailleurs le traitement des femmes par l’auteur est toujours nickel), la mini-enquête aussi, et pour une fois, la narration à la première personne m’a parue justifiée et utile, d’autant plus intéressante que l’auteur y glisse du créole. Ce dernier point donnera peut-être du fil à retordre à certains lecteurs, mais franchement, ça ajoute un aspect très immersif. L’univers dans lequel on évolue est particulièrement réaliste et prenant.

Le second texte se passe en Egypte, uchronique aussi, sur les traces de Fatma el-Sha’arawi, enquêtrice chargée d’élucider la mort d’un djinn. Il s’agit du premier texte dans le cadre du ministère de l’Alchimie, des Enchantements et des Entités surnaturelles, que l’on retrouvera dans un autre ouvrage que j’avais également beaucoup apprécié, Le mystère du tramway hanté. Encore un personnage féminin que j’ai beaucoup apprécié, et encore une atmosphère très visuelle, parsemée de trouvailles fantasy-SF que j’ai beaucoup appréciées.

Uchronie, panthéons peu vus, utilisation intéressante de l’Histoire, originalité et personnages féminins qui valent le détours, voilà les éléments qui me plaisent chez l’auteur, que je compte bien suivre dans ses prochaines sorties. N’hésitez pas à le découvrir. Son premier roman Maître des djinns, vient de sortir chez l’Atalante.

Note : 5 sur 5.

Info livre :
Année de parution : 2021
Editeur : L’Atalante
ISBN 9791036000744

Publié dans Coups de coeur, Fantasy, PLIB 2022

Capitale du Sud tome 1 : Le sang de la Cité – Guillaume Chamanadjian

De quoi ça parle ?

Enfermée derrière deux murailles immenses, la Cité est une mégalopole surpeuplée, constituée de multiples duchés. Commis d’épicerie sur le port, Nox est lié depuis son enfance à la maison de la Caouane, la tortue de mer. Il partage son temps entre livraisons de vins prestigieux et sessions de poésie avec ses amis. Suite à un coup d’éclat, il hérite d’un livre de poésie qui raconte l’origine de la Cité. Très vite, Nox se rend compte que le texte fait écho à sa propre histoire. Malgré lui, il se retrouve emporté dans des enjeux politiques qui le dépassent, et confronté à la part sombre de sa ville, une cité-miroir peuplée de monstres.

Et c’est bien ?

Une plongée passionnante et particulièrement prenante dans les rues de la Cité, aux côtés de Nohamux. Nohamux est commis pour le compte de Saint-Viavant, une épicerie réputée. Entre deux courses pour l’épicerie dont il est le livreur, le lecteur découvre en même temps que le héros le dangereux jeu des intrigues politiques.

Jamais je ne me suis ennuyée ; on pourrait certes se dire que parcourir une ville et livrer des denrées est passablement ennuyant, mais c’est sans compter le brio avec lequel l’auteur donne vie à Gemina… et un peu l’appel de l’estomac, aussi. Les odeurs et le goûts sont mis à l’honneur, et si vous avez dans l’idée de vous résoudre à moins grignoter, il est dans cet ouvrage des pages qui pourraient bien vous donner envie d’aller vous bricoler un casse-croûte au détour d’un paragraphe.

Les différents personnages que l’ont croise ont une vraie présence, à commencer par notre Nohamux, mais aussi par les personnes qui l’entourent, Tyssant et le duc Servaint, particulièrement inquiétants par le fait que l’on ne sache pas s’ils sont sincères, Daphné, la sœur de Nox, dont le comportement est à faire se dresser les cheveux sur la tête.

La magie est ténue, mais centrale ; la façon dont elle est mise en œuvre est particulièrement bien trouvée et ouvre des questionnements et mystères qui m’ont tenue jusqu’au bout (et dont j’attends les réponses avec impatience, dans les prochains tomes).

La place de la littérature, de la poésie, de la poétique dans l’ouvrage est également importante. Côté style, c’est fin, ça se mange sans faim, le vocabulaire est particulièrement précis, jusque dans les noms des clans ^^ Enfin, chose que j’apprécie particulièrement, l’auteur ne passe pas son temps à expliquer en long en large et en travers les tenants et aboutissants de tel événement ; il pointe, l’air de rien, les éléments importants, au lecteur de relier les fils. La fantasy tartine me fatigue et je dois dire que j’ai trouvé ici un texte ambitieux, qui certes convoque quelques éléments un peu vus du genre (les orphelins au passé mystérieux, les intrigues politiques), mais en les accommodant de manière savoureuse et originale.

C’est donc un coup de coeur pour cet ouvrage, que je recommande chaudement.

Note : 5 sur 5.

Infos livre :
Editeur : Aux forges de Vulcain
Année d’édition : 2021
#ISBN9782373051025

Publié dans Fantasy, Jeunesse, PLIB 2022, Policier

Les dossiers du Voile – Adrien Tomas

De quoi ça parle ?

Bienvenue dans le monde du Voile !

Lieutenant de police au sein de la Brigade de régulation des espèces méta-humaines de Paris, Tia Morcese a beaucoup de mal à faire respecter l’ordre et la sécurité… et surtout à éviter que druides, nécromanciens, loups-garous et autres espèces méta-humaines révèlent leur existence au reste du monde.

À côté de son impressionnante grande sœur, Mona pourrait presque passer pour une ado normale. Pourtant, l’apprentie sorcière est loin d’avoir les yeux dans sa poche ! Et quand elle tombe sur des informations clés qui pourraient faire avancer les affaires en cours de Tia, elle n’hésite pas une seconde à suivre ses propres pistes.

Mais le monde du Voile n’est pas sans danger…

Et c’est bien ?

Le récit propose une enquête, avec en toile de fond un Paris où vampires, trolls, fées, loups-garous et compagnie évoluent parmi les humains. Le Voile désigne le fait de garder secrète l’existence de la magie aux yeux du commun des mortels.

Le lecteur suit les tribulations de la famille Morcese, connue pour être une famille de sorciers et sorcières, celle de la Grande Enchanteresse de Paris. Sept mômes d’âges et de tempéraments variés, et une maman qui part voir ailleurs en début d’ouvrage, coucou la famille Malaussène. C’est assumé et il faut avouer que c’est assez rigolo et bien pensé.

Le style de l’auteur est très plaisant. Fluide et efficace, il déroule l’aventure et enchaîne les rebondissements. Les personnages sont plutôt attachants.

Pour le reste, je suis carrément restée sur ma faim. L’univers décrit m’a donné une impression de déjà vu, amateurs, amatrices du Paris des merveilles ou de A comme association, on est complètement dans le même genre de contexte, clins d’oeil culturels (un peu trop) présents compris.

Côté intrigue policière, un peu comme pour les assassins de Vaisseau d’Arcane, dur de lire que l’enquêtrice est une des meilleures quand les ficelles sont si grosses. J’ai bien senti dans cette lecture que l’histoire ne se prenait pas au sérieux, mais il m’a clairement manqué à manger, j’attendais un peu plus consistant.

Le tout est parsemé d’humour, un peu trop lourdement, et de messages auxquels j’adhère, certes – personnages féminins, casse des stéréotypes de genre ou de la violence qui résout tout – mais l’ensemble a un côté très appliqué ; j’avoue, j’aurais aimé davantage de subtilité. Néanmoins je trouve plutôt positif de trouver tout ça dans un bouquin destiné à la jeunesse à l’heure où je croise trop souvent à mon goût des modèles de jeunes filles maltraitées oklm parce que c’est leur amoureux, donc tout va bien.

Une aventure qui ne brille pas par son originalité, mais qui se laisse lire sans déplaisir.

Note : 2.5 sur 5.

Infos livre :
Editeur : Fleurus
Année d’édition : 2021
#ISBN9782215174424

Publié dans Fantasy, Jeunesse, PLIB 2022

D’or et d’oreillers – Flore Vesco

De quoi ça parle ?

C’est un lit vertigineux, sur lequel on a empilé une dizaine de matelas. Il trône au centre de la chambre qui accueille les prétendantes de lord Handerson. Le riche héritier a conçu un test pour choisir au mieux sa future épouse. Chaque candidate est invitée à passer une nuit à Blenkinsop Castle, seule, sans parent, ni chaperon, dans ce lit d’une hauteur invraisemblable. Pour l’heure, les prétendantes, toutes filles de bonne famille, ont été renvoyées chez elles au petit matin, sans aucune explication.

Et c’est bien ?

Je lis très peu de jeunesse, et d’ordinaire j’apprécie assez peu cela, mais il faut dire que cette autrice sait me prendre par les sentiments, et D’or et d’oreillers ne fait pas exception par rapport à ce que j’avais déjà lu d’elle.

A travers une réécriture des contes de fées, l’autrice propose ici un texte qui traite du rapport au corps, de l’éveil sexuel et de la place des femmes. C’est drôle et sans concession dans ce qui est dénoncé, souvent acide et bien sévère sur les écueils pointés. Le cliché du prince charmant et de la princesse en pâmoison en prennent pour leur grade, tout autant que la société qui vend les premières au premiers dans le but de faire affaire.

Les personnages sont très intéressants, de Fatima à Lord Handerson, en passant par son valet ou les différentes figures de mamans. Le décollage fantasy du dernier tiers du roman , avec une franche glissade du côté de l’horrifique est autant inventif que plaisant à découvrir. Nul doute, il y a dans D’or et d’oreillers, quelques traits qui m’ont rappelé des textes de Catherine Dufour.

Tout du long on est tenu par le mystère de l’épreuve et de ce que cache Lord Handerson, et l’autrice ne ménage pas les effets de suspens, dans lesquels j’ai marché à fond. Flore Vesco m’avait déjà conquise dans De cape et de mots par sa maîtrise de la langue, et c’est rebelote ici, avec un champ lexical magistral autour du corps, avec lequel l’écrivaine joue allègrement. Les clins d’oeil aux contes sont nombreux, bien sûr la principale référence reste La princesse au petit pois, mais d’autres contes sont évoqués à travers le texte.

Tous les ingrédients qui me font considérer un jeunesse comme étant de qualité sont réunis ici : récit ambitieux, consistant, intelligent, drôle, satyrique, porteur de messages sans instrumentaliser l’histoire, inventif sur le plan imaginaire comme celui de la plume, lisible sur plusieurs niveaux. Un texte maîtrisé de bout en bout, qui mérite le détour.

Note : 5 sur 5.

Infos livre
Année d’édition : 2020
Editeur : L’école des Loisirs
#ISBN9782211310239

Publié dans Fantasy

Le Bâtard de Kosigan, tome 4 : Le testament d’involution – Fabien Cerutti

De quoi ça parle ?

Et si l’origine du plus grand lac de la région de Cologne avait un rapport avec une prophétie réalisée en 1341 ? Et si cette même année, le chevalier de Kosigan avait réveillé des forces qui le dépassent ? Et si le destin de sa postérité se jouait cinq siècles plus tard dans la cave voûtée d’un bistrot parisien ? Et si les secrets révélés dans ce livre étaient dangereux ? Et qu’en les découvrant, vous deveniez complice…

Et c’est bien ?

Annonçons-le d’emblée, une fin que j’ai trouvé un peu en eau de boudin et qui renoue avec certains défauts qui m’avaient agacée dans le tome 1. J’ai regretté qu’on perde un peu – même carrément – de vue la quête de sa mère par le Bâtard. L’auteur multiplie les fils narratifs et j’ai trouvé ce tome un peu trop chargé. Tellement de choses sont abordées que j’ai parfois eu le sentiment que la narration ne savait plus, par moment, où donner de la tête pour les explications.

Le vilain inquisiteur, Las Casas, se révèle particulièrement retors et pervers. Comme souvent avec ce genre de méchant, ça passe mal avec moi, le genre de gros vilain qui a toutes les tares possibles. Un peu comme la scène BDSM du tome 1, j’ai trouvé que la lettre à sa mère pour se plaindre de ses vices était de trop.

Le fil du 19e lui, démarrait super bien avec un côté espionnage. Le personnage d’Elisabeth, ex-fiancée de Kergaël, l’héritier de Kosigan, est vraiment sympa, il y a un vrai suspens et j’ai eu grand plaisir à la suivre. Néanmoins, passé un certain événement, j’ai trouvé que le texte devenait bourbeux et peu plaisant à lire. D’ailleurs côté Bâtard c’est un peu pareil : ça s’enlise. Le côté un peu léger et casse-cou de ses aventures précédentes est perdu dans un amas de trucs énormes, et le tome se clôt un peu précipitamment à mes yeux.

D’ailleurs de clôtures, l’auteur m’avait habituée à mieux. Les tartines explicatives de fin m’ont vraiment fait suer – surtout que , côté révélation je n’ai pas trouvé ça folichon, et j’ai trouvé même LA révélation qui lie Kergaël au Bâtard, carrément facile et décevante.

ATTENTION RISQUE DE SPOIL SUR CE PARAGRAPHE Enfin, le dénouement ésotérique est parti en jus de boudin lui aussi, et je dois en prime ajouter que j’ai très moyennement apprécié l’énooooorme clin d’oeil de l’auteur à lui-même. Oui, c’était bien trouvé, mais j’ai trouvé ça carrément de trop et pas très bienvenu. FIN DU RISQUE DE SPOIL

Ce dernier tome m’a paru également renouer avec les ficelles de jeu de rôle que j’avais trouvées trop présentes dans le tome 1 : un livre à cheval entre le roman ou le JD, qui ne sait pas trop ou donner entre pieds de nez et trucs farfelus et récit qui réussit quand même à devenir trop sérieux (oui, j’avoue, moi et les histoires de complots c’est souvent difficile). Bon par contre y a un truc sur lequel je ne peux passer, parce que ça c’est beau ; mais j’ai cru voir un clin d’oeil à Zelazny, voire à Ambre, et le nom de l’auteur apparaît. Et ça c’est beau 😀

Qu’on ne s’y méprenne pas cependant, malgré cet avis avec pas mal de négatif, comme pour le tome 1, l’aventure est plaisante à suivre, mais franchement il me semble que l’auteur aurait dû au moins faire un cinquième tome. Je trouve me suis perdue dans toutes les révélations que l’auteur gardait pour la fin et j’ai finalement eu le sentiment d’avoir un gros mâchouillis qui aurait pu être plus digeste et permettre de traiter de manière plus intéressante ou d’oublier moins de fils ou personnages en cours de route. Une fin en demie teinte donc, j’espère que le cycle suivant – que je lirai fort certainement – sera plus équilibré.

Surtout, surtout, je tiens à remercier mes deux copinautes Chlococo et Honey-Dream, qui m’ont accompagnée dans cette lecture tout au long des 4 tomes et avec qui j’ai eu très grand plaisir à découvrir et discuter des aventures du Bâtard 🙂

Note : 3.5 sur 5.