Publié dans Fantasy

Porcelaine – Estelle Faye

Résumé : Chine, vers l’an 200. Xiao Chen est un comédien errant, jeté sur les routes par un dieu vengeur. Un masque à forme humaine dissimule son faciès de tigre, tandis que son cœur est de porcelaine fêlée. Son voyage va durer plus de mille ans. Au cours de son périple, il rencontrera Li Mei, une jeune tisseuse, la Belle qui verra en lui plus qu’une Bête. Celle qui, sans doute, saura lui rendre son cœur de chair. Cependant Brume de Rivière, fille-fée jalouse et manipulatrice, intrigue dans l’ombre contre leur bonheur.

Avis : Porcelaine est le premier livre que je découvre d\’Estelle Faye. Avis aux amateurs et amatrices de contes et légendes, de folklore, de monstres et d\’Asie, laissez-vous entraîner sur les traces de Xiao Chen, l\’homme-tigre du Hengan…

Les premières pages du texte donnent le ton : un village de potier, un père obnubilé par le façonnage de la pièce parfaite et… une malédiction lorsque son fils transgresse un interdit et pénètre dans le domaine des dieux pour se procurer de quoi alimenter les fours. La prose d\’Estelle Faye sait trouver le lecteur et le happer, le tenir en haleine face à ce nouveau matériau qui va sortir du four et entraîner l\’exil du jeune héro.

L\’aventure qui se déroule au fil des pages contient tous les codes du conte et du récit d\’aventure. Sans que les péripéties surprennent vraiment, la plongée dans les paysages de la Chine, dans son histoire, ses légendes, sa culture sont vraiment grisants. Les scènes quant à elles s\’enchainent plutôt vite, laissant peu de temps au lecteur afin de reprendre son souffle, et s\’enchaîne pratiquement en actes de théâtre – ça tombe bien, il s\’agit du domaine que rejoint Xiao Chen lorsqu\’il est jeté sur les routes.

L\’atmosphère est particulièrement réussie, à la fois mâtinée de réalisme et de brumes fantastiques et inquiétantes comme le sont souvent les légendes asiatiques. Monstres noires filamenteux qui ne sont pas sans rappeler ceux d\’un Miyazaki, déesses emprisonnées par des manteaux magiques, vieux immortels décatis, l\’ensemble est très \ »graphique\ » et parle tout de suite à l\’imagination.

Les différents personnages sont attachants. Xiao et sa tête de tigre, Li Mei la brodeuse, Pieds-de-Cendre le contorsionniste, Brume-de-Rivière, la demi-déesse… L\’ensemble dessine une panoplie colorée de figures dignes d\’un conte.

Le seul bémol demeure à mon sens dans la multiplication des péripéties et la brièveté du texte. Enchaîner autant de choses en si peu de pages m\’a paru de trop et m\’a un brin lassée sur la fin.

Pour autant, Porcelaine reste un excellent texte, qui m\’a plongée avec allégresse dans un univers de contes et légendes que j\’apprécie beaucoup, d\’une culture que j\’apprécie sans forcément bien la connaître. Ce texte, en plus de proposer une aventure agréable, m\’a réellement donné envie de m\’intéresser davantage à l\’histoire de la Chine.

Publié dans Fantasy

La fée, la pie et le printemps – Elisabeth Ebory

Résumé : En Angleterre, les légendes ont été mises sous clé depuis longtemps. La fée Rêvage complote pour détruire cette prison et retrouver son pouvoir sur l\’humanité. Elle a même glissé un changeling dans le berceau de la reine…

Mais Philomène, voleuse aux doigts de fée, croise sa route. Philomène fait main basse sur une terrible monture, des encres magiques, un chaudron d\’or et même cette drôle de clé qui change de forme sans arrêt. Tant pis si les malédictions se collent à elle comme son ombre… Philomène est davantage préoccupée par ses nouveaux compagnons parmi lesquels un assassin repenti et le pire cuisinier du pays. Tous marchent vers Londres avec, en poche, le secret le plus précieux du royaume.

Des personnages empreints d\’une légèreté désespérée, une aventure aussi féerique que profondément humaine. Élisabeth Ebory renoue avec le merveilleux des anciens récits, sans nier leur part d\’obscurité.

Avis : Il s\’agit d\’une lecture dans laquelle j\’ai eu un peu de mal à entrer. Le lecteur s\’attache aux pas de Philomène, fée et voleuse de son état. Les premières pages m\’ont déstabilisée par une narration plutôt atypique, qui campe des personnages de manière très légère et enlevée, pratiquement vaudevillesques. Il m\’a donc été très difficile de les prendre au sérieux, et pour certains, difficile de m\’y attacher. Les considérations de Philomène, narrée en point de vue interne, m\’ont agacée par l\’évidence, parfois, de leur énoncé.

Pourtant, pour peu que l\’on passe outre cet aspect des personnages, l\’autrice parvient à nous accrocher et à nous emmener dans son univers, dans lequel se côtoient le monde des hommes et le monde des fées, reliés par des passages. Si, dans un premier temps, les raisons de Philomène pour rester auprès du groupe qu\’elle croise – composé de Clémente, un beau jeune homme, Vik, une gamine soupe au lait, Od, leur piètre cuisinier, et S, un gamin bavard – m\’ont parues un peu tirées par les cheveux, on se fait plutôt rapidement à cette troupe sympathique et débraillée malgré les quelques \ »couacs\ ».

Leur voyage pour atteindre leur but, les artefacts inventés par l\’autrice, le système magique, les autres personnages gravitant autour d\’eux, leur passé sont autant d\’éléments que l\’on découvre avec plaisir. Les rebondissements sont narrés avec brio et peu à peu, passé mon agacement initial, cette histoire prend l\’allure d\’un conte cruel et coloré, que je ne suis plus arrivée à lâcher avant d\’avoir atteint la fin.

Les incursions dans le monde des fées sont particulièrement intéressantes, teintées de mystère, et en découvrir les personnages qui l\’habitent et le fonctionnement m\’a particulièrement plu. La deuxième partie du livre embraye sur un rythme plutôt soutenu, et les différentes péripéties s\’enchaînent pour le plus grand bonheur du lecteur, d\’autant plus que les liens entre les différents personnages et leur évolution deviennent vraiment intéressants.

En soi et malgré mes réticences de départ, j\’ai au final passé un très bon moment de lecture, et je ne dirais pas non à une autre plongée dans cet univers, que j\’aimerais beaucoup découvrir un peu plus.

Publié dans Fantasy, Jeunesse

Le dompteur d\’avalanches – Margot Delormes

Résumé : Bienvenue dans les tribulations montagnardes de Ditto, jeune garçon qui, lors d\’une attaque de dragon, se découvre le don d\’ \ »écouleur\ » : il peut modifier la matière. Problème : dans hameau et ceux alentours, les écouleurs ne sont guère appréciés, et il risque fort de se retrouver livré aux mains d\’une église peu tolérante avec les dons magiques. Ditto est contraint de fuir dans la montagne, à la recherche de la Lorlaïe, une créature qui pourrait peut-être l\’aider… 

Avis : Un ouvrage particulier, que j\’ai mis un certain temps à apprécier. Les premiers contacts avec l\’univers de Margot Delorme paraissent relever du jeunesse : un bestiaire riche, un jeune garçon, certains passages qui peuvent paraître simples. 

Mais peu à peu j\’ai été touchée par l\’aspect un peu brut et atypique de l\’ouvrage : le style et le vocabulaire. La narration est presque parlée. Au début c\’est dérangeant. Et puis l\’autrice adapte à son univers des mots de patois, des légendes, des mots trafiqués qui ressemblent au nôtre. Le tout donne un mélange plutôt subtil, fin, drôle, plein de clins d\’oeil… et au final pas si simple (ni simplet) que ça.  On trouve des dahus au milieu des moutons et des chèvres, on évoque l\’ \ »Evrope\ »… J\’ai beaucoup aimé certains clins d\’oeil à plusieurs oeuvres, cinématographiques ou littéraires.

D\’un premier tiers que j\’ai traversé sans plus que ça, au reste de l\’ouvrage que j\’ai littéralement dévoré, en en apprenant plus sur le don de Ditto, sur les liens et implications des différents personnages au sein de ce monde magique, mon regard a vite changé. Même certains personnages qui m\’agaçaient un peu au départ de par leur côté très jeunesse (un caracal bleu et une marmotte) me sont devenus sympathiques. 

Le seul gros point dommage, c\’est d\’avoir voulu vendre l\’ouvrage, en quatrième de couverture, comme de la fantasy à la Miyazaki. Je pense que ça peut être un très gros point de déception pour les lecteurs qui s\’attendent à cet aspect. Car de Miyazaki, je vois vaguement la mention d\’un personnage dans une phrase qui pourrait s\’y rattacher, mais sans plus. Je dois avouer que c\’est ce qui m\’a aussi tenue sur ce premier tiers où j\’ai eu du mal à accrocher ; c\’est à partir du moment où j\’ai lâché la recherche de cet aspect que j\’ai réellement apprécié l\’ouvrage pour ce qu\’il était. 

La fin est particulièrement sympa… et à ce stade, l\’autrice a esquissé bien des choses, dont j\’espère que nous pourrons lire plus avant dans d\’éventuelles suites. 

En attendant, une très, très bonne surprise. J\’en attendais du bien… mais cela a pris une forme autre que celle que j\’attendais au départ. Un petit bijou de langue, d\’univers et de finesse, que je vous engage à découvrir (sans vous attacher à Miyazaki 😉 ).

C\’est du bon !
Publié dans Fantasy

Les Sentiers des Astres, tome 3 : Meijo – Stefan Platteau

Résumé : Pour avoir mis à mort la Croque-Carcasse, l’ourse sacrée du Lempio, la jeune Nisu s’est vue bannie de son île natale, il y a près de dix ans. Pourchassée par une ombre, hantée par l’Outre-songe, elle s’embarquait vers l’Héritage, en compagnie de son amant Meijo.Par quels caprices du destin l’apprentie chamane est-elle devenue la Courtisane Shakti ? Pour le savoir, le Barde Fintan et ses compagnons devront patienter un peu. Car le répit offert par les Teules, propice aux bons récits, aura bientôt vécu : déjà les flammes rugissent, la forêt boréale résonne d’abois fauves et de cors démoniaques. Il est temps de reprendre la quête du Roi-diseur, de marcher dans les pas des géants ! Et puisqu’il faut déjouer la traque, l’heure est peut-être venue d’emprunter enfin les Sentiers des Astres… 
 Avis : On ajoute un troisième coup de coeur aux deux précédents, car oui, ce tome trois réunit à nouveau les ingrédients qui m\’ont beaucoup plu. 
Nous voilà donc de retour chez les Teules, en compagnie des restes de l\’expédition Rana. Et toujours la nécessaire fuite face aux Nendous, déterminés à faire payer à nos héros le prix de leur imprudence. Avec toujours cette lenteur suave et un extraordinaire talent de conteur, l\’auteur emmène le lecteur sur les Sentiers des Astres, modelant les mots, les entremêlant, et tel notre barde Fintan, nous ensorcèle avec une facilité déconcertante au gré de son dit.
Pour des raisons que je vous laisse découvrir, Shakti est à nouveau amenée à narrer son passé. Avec tristesse et effroi, j\’ai suivi son voyage avec Meijo, personnage abject s\’il en est, et admiré tout du long ce personnage féminin, si tenace et persévérant. D\’autres figures se dévoilent le long de ce double récit, notamment celui de Kunti – la confrontation finale est plutôt magistrale, et tout comme les dernières pages des précédents tome, l\’auteur sait vraiment envoyer du lourd. 
Tour à tour émerveillée par les riches cités évoquées par Shakti, titillée d\’angoisse, voire écoeurée par les rares mais éprouvantes manifestations des Nendous, la capacité évocatrice de la narration est vraiment ce qui fait la force de cette saga. La diversité des cultures, la diversité déployée pour faire découvrir les cultes, les rites, les conflits qui animent la société de l\’Héritage m\’ont littéralement transportée ailleurs. Le tout sur l\’édition en dur des Moutons électriques, et vous voilà comme un gosse qui lit son premier gros livre de conte, qui l\’ouvre avec la fièvre d\’y découvrir les friandises qui l\’attendent et le referme avec regret.
Une lecture lente, qui prend son temps, mais qui se savoure à chaque mot, chaque phrase, chaque page ; dans laquelle je ne peux qu\’encourager quiconque lira ses lignes à s\’immerger. De mon côté j\’attends le tome 4 de pied ferme.
Coup de coeur
Publié dans Fantasy

Olangar – Clément Bouhélier

Résumé : Dix-sept ans ont passé depuis la bataille d\’Oqananga, où la coalition entre les Elfes et les Hommes a repoussé les Orcs par-delà les frontières.À l\’approche des élections, Olangar est une capitale sous tension, véritable poudrière où seule manque l\’étincelle. Tandis que les trois candidats noircissent les journaux de leurs promesses, les accidents se multiplient sur les chantiers navals ; les salaires se font attendre et la Confrérie des Nains menace d\’engager un mouvement de grève d\’une ampleur jamais vue. À leur tête, Baldek Istömin ira jusqu\’au bout.Au même moment, Evyna d\’Enguerrand, fille d\’un ancien seigneur de guerre, débarque en ville pour chercher la vérité sur la mort de son frère, soldat assassiné au Grand Mur dans d\’étranges circonstances. Pour l\’aider, elle fait sortir de prison Torgend Aersellson, un Elfe banni par les siens et vieil ami de son père. Ensemble, ils se lancent dans une enquête acharnée, qui les mènera des bas-fonds de la cité jusqu\’aux couloirs de la Chancellerie et ses arcanes politiques.
Avis : Une histoire en deux tomes, qui nous présente la version mines à charbon et lutte sociale version fantasy. Oubliez les elfes hautains et évanescents, les nains dans leurs mines de mithril et le sociétés basées sur une époque médiévale fantasmée. 
Le style de l\’auteur m\’a déroutée dans un premier temps : un flashback sur le passé sombre de Torgend, l\’elfe déchu, des irruptions des pensées des personnages en italique en plein milieu d\’un paragraphe explicatif. Et puis chemin faisant, on s\’y fait, le flashback n\’est que contextuel et ponctuel, le style apporte au final un rythme particulier mais haletant. 
Les personnages sont particulièrement intéressants, loin des clichés du genre, chacun a sa petite histoire et ses blessures et ses secrets pas vraiment avouables liés à cette fameuse guerre. Torgend, Evyna, Baldek et les personnages qui gravitent autour d\’eux évoluent, luttent, enquêtent avec âpreté et acharnement. On s\’y attache, on suit leurs aventures avec avidité.
Le contexte général est particulièrement intéressant, l\’auteur livre une intrigue sur fond d\’intrigues et malversations politiques, le genre de titre que j\’aime à citer quand on me dit que la fantasy est déconnectée de la réalité. Les nains, leur syndicat et leurs actions m\’ont fait rire, souvent jaune, surtout au vu de notre actualité actuelle. 
Le premier tome m\’a davantage plus que le deuxième tome, bien que le second soit une suite directe. J\’ai trouvé ce dernier un peu plus mou, un peu alourdi par le sentiment de plus en plus dépressif qui émane des personnages alors qu\’ils fouillent toujours plus profondément dans la vase qu\’ils soulèvent à travers leur enquête. La fin m\’a peu surprise lorsque l\’on découvre la cause finale de toutes les malversations – on le sent venir et l\’auteur a semé suffisamment d\’indice – cependant le traitement et les implications finales sont particulièrement intéressantes. Et surtout, on se demande si de nouvelles aventures en Olangar verront le jour.
Diptyque atypique aux accents de western et de films de Martin Scorcese, Olangar propose une fresque prenante. A découvrir sans modération.
A dévorer