Publié dans Fantasy, Jeunesse, Young Adult

De sang et de rage – Tomi Adeyemi

De quoi ça parle ?

Il fut un temps où la terre d’Orïsha était baignée de magie. Mais une nuit, tout a basculé, le roi l’a faite disparaître et a asservi le peuple des majis. Zélie Adebola n’était alors qu’une enfant. Aujourd’hui, elle a le moyen de ramener la magie et rendre la liberté à son peuple ; même si face à elle se dresse le prince héritier du trône, prêt à tout pour la traquer.

Et c’est bien ?

Un de ces livres que je prenais au pif faute d’inspiration dans une grande enseigne d’achats d’ouvrages trimestriel. Un contexte de fantasy atypique, une énième tentative de faire un pas en direction du young adult, genre avec lequel j’ai du mal pour plein de raisons. Et c’est parti pour une aventure en Orishä, contrée imaginée, calquée sur les cultures et mythes africains que l’autrice y a insufflés. Toni Adeyemi s’est inspirée de la culture yoruba, dont ses parents sont issus.

Vous l’aurez compris, le contexte est dépaysant et change de la fantasy occidentale que l’on a l’habitude de lire, au moins par les inspirations qui ont servi à l’autrice. J’ai également beaucoup apprécié sa démarche, qu’elle détaille en fin d’ouvrage, celle d’une révolte contre l’injustice, et la volonté de proposer une Hermione Granger noire.

L’histoire débute de manière très prenante et intéressante : une héroïne, qui en a à remontrer à son entourage. Un univers intéressant, fait d’une magie enfuie et proscrite par un pouvoir tyrannique ; une magie qui tire sa force des dieux. Une magie différente pour chaque dieu, et des fidèles qui sont liés à l’un ou l’autre d’entre eux. On apprend rapidement que Zélie est affiliée à la déesse de la mort et qu’elle a vécu violemment la destruction de sa famille par le pouvoir en place. Faisant partie du pan de population maltraité par le roi et ses gardes du fait de son appartenance aux aspirants majis, Zélie se retrouve malgré elle en possession qui pourrait permettre le retour de la magie disparue.

Quelques facilités en ce début d’ouvrage, mais l’autrice tisse de manière consciencieuse son univers, et cela reste plaisant. Malgré tout, vous l’aurez compris en lisant ces quelques lignes, quelques indices peuvent laisser présager de schémas assez convenus, et ça ne manque pas, on glisse peu à peu vers une quête finalement assez banale, avec passages véritablement intéressants, dans lesquels Tomi Adeyemi développe un peu plus l’univers qu’elle imagine, et d’autres où je me suis ennuyée ferme.

Le principal reproche que j’aurais à faire à l’ouvrage concerne la construction de la narration. La multiplicité des points de vue est devenu quelques chose de banal, et c’est intéressant quand les points de vue sont choisis judicieusement. Ici, l’autrice commence par en développer deux, celui de Zélie et celui d’Amari, la fille du roi tyran? C’est intéressant car elles vivent dans des mondes opposés et nous donne à voir deux facettes. En cours de route, le point de vue d’Inan, le frère d’Amari, est rajouté. Lui aussi extérieur aux deux autres, donc donnant à voir des choses différentes. En revanche, je trouve cet aspect totalement inutile quand ces personnages finissent par se réunir durablement. Quel intérêt ? D’autant plus que la narration se fait à la première personne. Allez comprendre qui est « Je », au bout d’un moment cela devient confus, en plus de ne rien apporter.

Les deux autres éléments qui m’ont dérangée sont plus classiques et typique d’une fantasy qui ne me plaît pas : du jargon. Affubler tous les animaux de cornes et changer vaguement leur nom… mouais. On se retrouve avec des « renardiens », des « léopardaires », des « lionnaires ». On ne sera jamais ni pourquoi ni comment, ça m’a fait l’effet d’une vague tambouille pour tenter de dépayser le lecteur. Et puis on n’y coupe pas, l’histoire finit par cocher à peu près toutes les cases possibles de la quêtes fantasy-cliché : l’élue, les artefacts à réunir, les antagonistes méchants pour une raison assez obscure ou tirée par les cheveux, les histoires d’amour (j’ai cru qu’on allait y échapper… mais non), les rites et compagnie.

A partir du deuxième tiers de l’histoire, j’ai commencé à lâcher et à peiner sur le récit. Un des points positifs à noter néanmoins : la personnalité de Zélie et d’Amari. Pour une fois je n’ai pas eu l’impression d’avoir des personnages dits adultes avec des comportements d’enfant. Elles sont matures, ont des failles, et l’autrice les fait évoluer toute les deux de manière subtiles et intéressante.

En somme, une histoire en demie teinte, qui ne m’a pas spécialement parlé.

A lire si vous recherchez :
– du young adult
– un contexte dépaysant
– de la fantasy classique

Note : 2 sur 5.
Publié dans Science-fiction, Young Adult

L’année de Grâce, de Kim Liggett

De quoi ça parle ?

« Personne ne parle de l’année de grâce. C’est interdit.
Nous aurions soi-disant le pouvoir d’attirer les hommes et de rendre les épouses folles de jalousie. Notre peau dégagerait l’essence pure de la jeune fille, de la femme en devenir. C’est pourquoi nous sommes bannies l’année de nos seize ans : notre magie doit se dissiper dans la nature afin que nous puissions
réintégrer la communauté. Pourtant, je ne me sens pas magique. Ni puissante. »

Un an d’exil en forêt.
Un an d’épreuves.
On ne revient pas indemne de l’année de grâce.
Si on en revient.

Et c’est bien ?

Un ouvrage dont je suis sortie mitigée, que j’ai trouvé en dents de scie. La première partie fait immanquablement penser à La servante écarlate de Margaret Atwood, avec une situation pour les femmes particulièrement glaçante : réifiées et soumises à un rite de passage particulièrement violent et sur lequel pèse un tabou : l’année de Grâce. Par bien des aspects néanmoins, ces éléments sont beaucoup moins fin que le texte de l’autrice canadienne, certains aspects sont un peu trash et voyeurs. De même, certaines ficelles sont assez grosses.

Néanmoins, il faut reconnaître à ce roman un côté addictif. L’autrice sait ménager ses effets et proposer une aventure haletante que l’on a du mal à lâcher. Les liens que les filles tissent entre elles, les attentions de la famille de Tierney à son attention sont des aspects agréables à découvrir. Je regrette néanmoins une romance un peu trop marquée, que je n’ai pas forcément trouvée adéquate par rapport au ton donné par le roman, et dont les conclusions m’ont paru cousues de fil blanc.

Le dernier tiers à vu mon intérêt grandir un peu. L’autrice ne se contente pas de faire sortir les protagonistes de leur année rituelle mais nous narre également l’après. La romance s’éloigne et j’ai trouvé certains aspects de réflexion bien plus intéressants que le reste du roman, de même que ce que l’on découvre sur certains personnages les fait évoluer de manière positive et crédible.

Cependant, le terme « féministe » que j’ai souvent vu accolé à ce roman m’a paru un peu surfait, et même si des éléments positifs pointent timidement le bout de leur nez, je les ai trouvés bien pâles par rapport à ce que l’on aurait pu attendre. Non que j’aurais souhaité du spectaculaire, mais je reste sur le sentiment qu’il me manque quelque chose, surtout au vu de ce que l’autrice fait de son héroïne. Oui on assiste à des changements, oui la condition des femmes ici n’est pas enviable, mais je n’ai pas trouvé ce roman particulièrement militant ou engagé en termes de féminisme. A mes yeux ce qui est traité est plus vaste et général : on y trouve une réflexion, plutôt intéressante, sur l’asservissement des individus et la pression du groupe, le poids d’une société.

Edit du 5 juin 2021 : En discutant avec M. SFelfet, qui est en train de le lire, je crois que j’ai mis le doigt sur un des éléments qui me gênent profondément dans la notion de « féminisme » qui accompagne le livre : ce qui est dit des femmes. Incapables de faire société sans les hommes, trop bêtes, pimbêches et méchantes, incapables de penser une sororité même quand la chape des hommes n’est plus là et alors même que certaines se posent des questions… Non, décidément, plus j’y pense, plus cette étiquette de « féministe » me paraît galvaudée et ne tenir, hélas, que d’un marketting qui cherche à récupérer les luttes.

En somme, cela reste avant tout une très bonne aventure addictive.

A lire si vous recherchez :
– un page-turner
– une dystopie-survie
– du young adult

Note : 2 sur 5.
Publié dans Jeunesse, Thriller

Killing November, tome 1 – Adriana Mather

De quoi ça parle ?

Absconditi est une académie secrète et ultra-élitiste réservée aux enfants des Clans, un ordre tentaculaire qui manipule dans l’ombre les destinées du monde. Cours d’empoisonnement, lancer de couteaux, vols en tout genre… les élèves sont formés aux métiers d’assassin, d’espion, d’escroc. C’est un endroit cruel où les amis sont rares et dangereux : chaque année, des pensionnaires y meurent dans d’étranges circonstances. November Adley ignore pour quelle obscure raison son père l’a placée là, tant elle semble inadaptée à cet environnement. Elle devra pourtant s’y faire, et vite. Pour survivre, il lui faudra fouiller dans son passé et trouver sa place sur l’échiquier des Clans…

Et c’est bien ?

Killing November, c’est de prime abrod une plongée in medias res. Comme l’héroïne, November, le lecteur ne comprend pas grand-chose. Cette dernière se réveille dans une académie dont elle ne connaît rien, manifestement sur décision de son père. Elle peine à lier avec les autres élèves, et pour cause, ceux-ci ont deux ans d’avance sur un apprentissage qui les amène manifestement à se comporter comme des espions et des tueurs. Dès lors, les informations sont précieuses, et les obtenir n’est guère aisé. Le premier des problème de November étant que ses condisciples semblent avoir davantage d’information sur elle qu’elle n’en dispose, en sus de leur cursus et de la raison d’être de cette académie.

November se lance alors dans la chasse aux informations, et le lecteur aussi. De fait, l’addiction point vite le bout de son nez ; l’autrice les distille au compte-goutte et à fort bon escient, et l’on en demande très rapidement davantage. A tout cela s’ajoute une affaire de meurtres qui secouent l’académie, et évidemment, notre héroïne a souvent un coup de retard. Découvrir avec elle les différents cours, les différents professeurs a été un très bon moment. Comme elle, on apprend vite à ne pas prendre pour argent comptant toutes les informations qui nous passent sous le nez. L’autrice nous met très bien dans la peau de son personnage, et c’est ce qui fait, je pense, la grande réussite de l’ouvrage.

Le style est direct. Un peu abrupt au départ, mais je m’y suis vite faite. Les personnages sont développés de manière intéressante. Certains possèdent quelques traits un peu caricaturaux, mais demeurent néanmoins suffisamment riche pour que l’on pardonne rapidement cet aspect. La menée de l’enquête est passionnante et même si j’avoue avoir vite deviné le nom du vilain, ce qui y conduit et les éléments de résolutions sont brillants et bien ficelés.

En somme, moi qui ne suis habituellement pas grande fan de young adult, j’ai ici rapidement été prise de frénésie quant à la lecture de cet ouvrage. Le style, les personnages et l’aspect chasse aux informations m’a rapidement passionnée. Adriana Mather nous mène par le bout du nez, et on en redemande.

A lire si vous recherchez :
– un retour à l’école mais avec des matières atypiques
– une héroïne qui vaut le détour
du suspens

Note : 5 sur 5.
Publié dans Fantastique, Jeunesse, Young Adult

Power Club, tome 1 : L\’apprentissage – Alain Gagnol

Anna Granville est une jeune fille de 17 ans, issue d\’une famille très riche et qui questionne peu son mode de vie. Ses parents lui offrent, pour son 17e anniversaire, une entrée au Power Club, le club des super-héros. Adulés par le monde entier, ces jeunes gens se sont vu greffer des \ »boosters\ » afin de leur permettre de développer invulnérabilité, force herculéenne et capacité à voler. Tout d\’abord critique sur leur propension à devenir des supports de publicité, Anna oublie ses récriminations quand ses parents lui annoncent la nouvelle. Mais elle va découvrir que le Power Club s\’est approprié par le pouvoir de l\’argent des passe-droit plus que dérangeants…
Une très bonne, une excellente surprise que cette lecture. Très frileuse avec la littérature adolescente et les clichés habituels d\’histoires de coeur et d\’inimitié, j\’ai vite constaté que Power Club ne tombait pas dans ces écueils. L\’héroïne, bien loin des portraits d\’ado très classiques comme on peut en croiser à la pelle dans les dystopies si plébiscitées, possède d\’emblée une patte, une tournure d\’esprit drôle, agile, fine qui nous la rend tout de suite attachante. Il en va de même pour sa copine Lisa, gaffeuse invétérée à l\’humour acide. Chaque personnage est façonné avec minutie et tous disposent d\’une réelle présence.

J\’ai longtemps craint que ce premier tome ne soit qu\’une longue introduction à la suite. Que nenni. Le lecteur ou la lectrice découvriront le fonctionnement du Power Club, ainsi que les grains de sables qui se sont glissés dans les rouages de leur renommée. L\’auteur sait distiller les différentes informations de manière subtile sans passer son temps à les expliquer. On sent qu\’un truc ne va pas, que quelque chose ne tourne pas rond, et on se demande quand l\’ensemble va se fissurer. 


Petit-à-petit, on glisse d\’une histoire de jeunes riches ravis d\’être hissés au rang de célébrités au problèmes posés par la détention de super-pouvoirs. Les questionnements sur le rapport aux autres lorsque l\’on est invulnérable est particulièrement intéressé, et plus d\’une fois Anna vacille sur ses certitudes. Plus intéressant encore, en échange d\’interventions musclées pour rétablir une situation de conflit (une prise d\’otages, un braquage, etc), les membres de Power Club disposent de \ »facilités\ » légales afin d\’effacer rapidement tout dommage collatéral. Se posent alors, bien évidemment, des problèmes éthiques, où l\’argent de leurs sponsors entre bien évidemment en jeu.

J\’ai énormément aimé la façon dont l\’auteur intègre les thèmes de la publicité, des médias et des lobbies d\’argent à l\’ensemble, pour nous proposer un final pas si loin du thriller, émaillé des finasseries juridiques entre l\’avocat d\’ Anna et la directrice du Power Club. Le tout au détriment de mes ongles, que je ne ronge pourtant plus depuis longtemps. 

Un excellent roman donc, pas si édulcoré qu\’on pourrait le croire ; écrit avec finesse et intelligence, sans temps mort, et avec des bouts de personnages très attachants dedans. Je conseille vivement. 
Excellent !