
De quoi ça parle ?
C’est un lit vertigineux, sur lequel on a empilé une dizaine de matelas. Il trône au centre de la chambre qui accueille les prétendantes de lord Handerson. Le riche héritier a conçu un test pour choisir au mieux sa future épouse. Chaque candidate est invitée à passer une nuit à Blenkinsop Castle, seule, sans parent, ni chaperon, dans ce lit d’une hauteur invraisemblable. Pour l’heure, les prétendantes, toutes filles de bonne famille, ont été renvoyées chez elles au petit matin, sans aucune explication.

Et c’est bien ?
Je lis très peu de jeunesse, et d’ordinaire j’apprécie assez peu cela, mais il faut dire que cette autrice sait me prendre par les sentiments, et D’or et d’oreillers ne fait pas exception par rapport à ce que j’avais déjà lu d’elle.
A travers une réécriture des contes de fées, l’autrice propose ici un texte qui traite du rapport au corps, de l’éveil sexuel et de la place des femmes. C’est drôle et sans concession dans ce qui est dénoncé, souvent acide et bien sévère sur les écueils pointés. Le cliché du prince charmant et de la princesse en pâmoison en prennent pour leur grade, tout autant que la société qui vend les premières au premiers dans le but de faire affaire.
Les personnages sont très intéressants, de Fatima à Lord Handerson, en passant par son valet ou les différentes figures de mamans. Le décollage fantasy du dernier tiers du roman , avec une franche glissade du côté de l’horrifique est autant inventif que plaisant à découvrir. Nul doute, il y a dans D’or et d’oreillers, quelques traits qui m’ont rappelé des textes de Catherine Dufour.
Tout du long on est tenu par le mystère de l’épreuve et de ce que cache Lord Handerson, et l’autrice ne ménage pas les effets de suspens, dans lesquels j’ai marché à fond. Flore Vesco m’avait déjà conquise dans De cape et de mots par sa maîtrise de la langue, et c’est rebelote ici, avec un champ lexical magistral autour du corps, avec lequel l’écrivaine joue allègrement. Les clins d’oeil aux contes sont nombreux, bien sûr la principale référence reste La princesse au petit pois, mais d’autres contes sont évoqués à travers le texte.
Tous les ingrédients qui me font considérer un jeunesse comme étant de qualité sont réunis ici : récit ambitieux, consistant, intelligent, drôle, satyrique, porteur de messages sans instrumentaliser l’histoire, inventif sur le plan imaginaire comme celui de la plume, lisible sur plusieurs niveaux. Un texte maîtrisé de bout en bout, qui mérite le détour.

Infos livre
Année d’édition : 2020
Editeur : L’école des Loisirs
#ISBN9782211310239