Publié dans Fantasy, PLIB 2023, Post-apocalyptique

Meute – Karin Rennberg #PLIB2023

De quoi ça parle ?

Meute suit les traces de Nathanaël, Val et Calame. Le premier est un loup-garou né de la violence et la solitude qui se débat au sein d’une meute qui ne lui convient pas. Le second est un humain à qui l’on a volé la voix. Quand le troisième entre dans leur vie bien malgré eux, des tensions s’installent et menacent de tout déchirer. Comment trouver son équilibre, dans un monde où les secondes chances n’existent pas ?

S’il est une créature fantastique que j’apprécie, c’est bien le loup-garou, dual, ambigu, coincé entre pulsion et civilité, sauvagerie et bienséance. C’est une entité qui me fascine et que je trouve souvent décevante en littérature, figure récurrente de bit-lit et d’urban-fantasy, deux sous-genres avec lesquels j’ai beaucoup de mal. Un ouvrage proposé par Actu SF, dont la première et la quatrième de couverture se détachaient des stéréotypes habituels ne pouvait que m’attirer. Malheureusement, la sauce n’a pas pris.

Sortir de ma zone de confort, découvrir des univers nouveaux, penser différemment, croiser des thèmes inhabituels, je suis partante, sans concession. Lire des textes confinés au carcan d’un univers étendu, retrouver des codes que je connais bien, rassurants, ne m’intéresse pas.

Dans Meute, j’ai apprécié la toile de fond et l’univers que l’autrice dessine peu à peu. On devine un monde post-apocalyptique, où les différences sociales sont profondément ancrées et où la violence est reine, où manger, trouver un toit et de quoi se chauffer sont devenus des défis. L’agencement social que dépeint Karine Rennberg, ce qu’on perçoit du fonctionnement des gangs, s’emboîte petit à petit comme un puzzle. C’est un exercice que je trouve très plaisant à lire. Je n’aime pas du tout quand l’univers m’est d’emblée offert sur un plateau et disséqué dans ses moindre détails pour bien tout montrer au lecteur. M’ouvrir une simple fenêtre et me laisser rêver à ce qui se passe au-delà de l’histoire me contente et me satisfait beaucoup plus.

Par ailleurs à mes yeux, c’est par ses multiples côtés atypiques que Meute a péché. La narration à la deuxième personne du singulier est certes marquante, mais ce n’est pas tant son utilisation que le ton qu’elle donne au roman qui m’a profondément dérangée. Ce « tu » de narration, je l’ai croisé déjà plusieurs fois. Dans Lambeaux, de Charles Juliet, dans Les livres de la Terre fracturée de N. K. Jemisin, et même plus récemment dans l’excellent Harrow the Ninth de Tamsyn Muir. Un « tu » qui recèle souvent des révélations, un jeu de narration qui éclaire l’ouvrage. Pour Meute cependant, j’ai trouvé ça raté. Cette deuxième personne du singulier invite le lecteur au plus près des sentiments des personnages, le met même quasiment dans leur peau. Combiné au côté très oral du texte, cet effet de style m’a donné une impression de pathos du début à la fin. Je ne l’ai pas trouvée judicieuse, encore moins dans le cadre d’un récit choral.

Outre cette narration atypique, l’un des autres éléments qui m’a posé souci, toujours d’ordre narratif, c’est la façon dont Calame, l’un des personnages, voit le monde. En soi, voir les sentiments des autres à travers des couleurs, les y associer, est une idée que je trouve plutôt intéressante. La façon dont c’est exprimé dans le texte en revanche, à travers des accumulations quasi-systématiques, m’a paru bien plus lourd et laborieux que poétique. A cela on ajoute le côté très oral que j’ai déjà évoqué plus haut, qui se traduit par des négations manquantes, des tournures de phrases particulières, mais aussi une avalanche de grossièretés. Si un jargon ordurier ne me gêne pas outre mesure, croiser des merde, putain, bordel en guise de ponctuation très régulière a fini par user ma patience. Sans compter les tournures de phrases qui viennent et reviennent en boucle, les formules toutes faites qui m’ont donné le sentiment de tourner en rond et de me voir ressasser, répéter beaucoup de choses.

Les personnages quant à eux auraient pu être intéressants. Leurs spécificités permettent d’aborder des thématiques que l’on voit peu : le handicap, les traumatismes, le fossé social, etc. Malheureusement, ils cumulent. Les atypismes s’empilent, les déconvenues aussi… et les trois protagonistes finissent par s’approcher dangereusement de la figure de Gary Stu. Ils surmontent avec un courage exemplaire les désagréments qui se présentent à eux et pansent vaillamment leurs plaies avant de repartir de l’avant et cela me les a rendus rapidement insupportables. Il y a un côté que j’ai trouvé assez drama tout du long et je suis sortie du bouquin plus agacée qu’autre chose.

En soi, l’histoire aurait eu beaucoup pour me plaire, mais je n’ai pas du tout adhéré aux choix narratifs. Accumuler autant de traits originaux – la deuxième personne du singulier, le côté « poétique », l’accumulation d’accumulations, les personnages qui compilent des traits particuliers, la narration orale… – il en résulte un effet manteau d’Arlequin : beaucoup d’éléments singuliers qui donnent un sentiment de cache-misère, qui font perdre beaucoup d’intérêt à l’ensemble et diluent un fond qui aurait pu être davantage étoffé. Dommage.

Note : 2 sur 5.

#PLIB2023A
#PLIB2023
#ISBN9782376864387

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