Publié dans Fantasy, PLIB 2023

L’héritage de l’Esprit Roi – Claire Krust #PLIB2023

De quoi ça parle ?

Shinya est l’onmyoji impérial. Maniant l’illusion et la divination, il est le garant de l’équilibre entre le monde des humains et celui des esprits, à la fois protecteur, juge et bourreau. Quand la fiancée de l’empereur est victime d’une étrange malédiction, c’est à lui de mener l’enquête. Shinya se lance sur les traces du coupable, mais celles-ci semblent conduire tout droit vers un lieu de son propre passé, qu’il pensait oublié…
D’où vient la longévité extraordinaire de Shinya et la marque noire qui apparaît parfois sur son front ? Quel prix l’onmyoji est-il prêt à payer pour maintenir l’équilibre ?

Et c’est bien ?

Lecture très en demie teinte que celle de L’héritage de l’esprit-roi. Le Japon est un pays fascinant et dont j’apprécie particulièrement la culture. Néanmoins celle-ci, vue par l’occident, est à mon humble avis souvent édulcorée, biaisée par le prisme des mangas et finalement assez pauvre en termes d’imaginaire, tourne souvent autour des mêmes sujets, met en scène les mêmes figures, la même esthétique. C’est ici le principal reproche que je fais à l’ouvrage : Japon de convention, une lutte des clans, des esprits, kitsune, oni, yokai et compagnie. Le tout émaillé de termes spécifiques, qui m’ont agacée par leur étalage. J’ai eu l’impression de lire un manga shônen comme j’en ai lu et relu, mais ici en version romancée.

En soi, retrouver des éléments déjà vus n’est pas un problème si le récit m’apporte des thèmes et une consistance solides. L’histoire en elle-même n’est pas désagréable à lire, mais a grandement peiné à me convaincre. L’élément perturbateur – une malédiction jetée sur la fiancée de l’Empereur – est à peine esquissé, voire balayé sous le tapis. On sent que c’est un prétexte que prend l’autrice pour envoyer son personnage dans la forêt ; il n’en résulte finalement que peu d’enjeu, et la conclusion de cette enquête est reléguée au second plan. J’ai eu du mal, également, avec la diffusion d’idées modernes dans un Japon médiéval. La cause des femmes ou celle de la place que l’on fait aux marginaux dans la société sont importantes, mais je les ai trouvées catapultées et peu à propos dans l’univers qui nous est proposé.

L’enjeu principal du récit se concentre finalement sur une malédiction qui ronge les esprits de la forêt. J’ai trouvé que cet enjeu arrivait très tardivement et de manière détournée. L’autrice l’introduit par le biais de flashbacks. Ce procédé est un exercice que je trouve difficile à utiliser de manière intéressante, qui prend le risque de couper temporairement le lecteur du fil principal pour apporter un lot d’informations, et rarement je le trouve utilisé à bon escient. Soit il n’apporte rien (L’heure du loup de Robert McCammon est pour moi l’exemple-type de ce travers), soit il alourdit l’histoire pour nous apporter des éléments qui auraient pu être introduits d’une manière bien plus légère. L’héritage de l’Esprit-roi m’a semblé entrer dans ce deuxième cas. La malédiction reste très, très longtemps à l’arrière-plan de l’histoire avant que la narration ne s’y intéresse, comme si elle avait été tirée au premier-plan afin d’enfin donner un fil rouge à l’histoire. Longtemps j’ai eu l’impression d’errer avec Shinya et ses esprits, sans bien comprendre où le récit voulait me conduire.

La narration est portée par un style chirurgical, descriptif, que j’ai trouvé parfois très cliché dans sa façon de décrire l’attitude, les poses ou les combats des personnages. Les dialogues sont téléphonés, emphatiques et apportent peu à l’histoire. Les personnages, quant à eux, ont également peiné à m’accrocher ; trop distants, ils ne m’ont pas touchée par leurs histoires. Enfin, surtout à celle de Shinya, car les autres sont complètement éclipsés par le personnage principal ou n’existent que comme biais pour nous parler de lui.

Enfin, et c’est là ce qui m’a semblé être le souci majeur du texte : le récit manque complètement de singularité. Je ne sais pas si l’autrice a voulu faire des clins d’oeil à Miyazaki ou s’en inspirer, consciemment ou non ; j’ai trouvé ça de trop. Une malédiction sombre et suintante à base de tentacules, un dieu de la forêt avec des bois, un sanglier ici, un esprit-loup géant appelé « Moryo », un héros qui porte en lui un petit bout de malédiction… Princesse Mononoke s’est plus d’une fois imposé à mon esprit. Cela, combiné à l’esthétique trop vue dont je parlais en début de chronique, m’a donné le sentiment d’un gros manque d’originalité généralisé. J’aurais préféré que l’autrice se concentre davantage sur son univers, sur la notion de ville des esprits, lui donne davantage corps. Le principe était chouette, mais cette ville n’est finalement que le papier peint de ce qui s’y trame.

En soi je n’ai pas détesté la lecture, malgré l’aspect sévère de ma critique. Il s’agit d’une aventure infusée au japanime pas désagréable à lire. En revanche, le Japon sous la plume d’auteurs occidentaux me convainc de moins en moins s’ils ne m’apportent pas autre chose qu’une esthétique éculée. C’est ce qui m’était arrivé avec Katana, de Jean-Luc Bizien, et malheureusement je trouve que L’héritage de l’Eprit-roi souffre des mêmes travers.

Le seul auteur non-issu de culture nippone à avoir surmonté ces écueils à mes yeux, c’est Roger Zelazny dans 24 vues du Mont Fuji par Hokusai, qui brasse des thèmes et des concepts japonais précis, qui infuse dans son récit une érudition dont il ne fait pas étalage. Une novella peut-être moins facile d’accès, mais qui dénote une connaissance fine d’une culture que je trouve actuellement délayée par le biais des biens culturels de consommation de masse diffusés en occident.

Note : 2 sur 5.

#PLIB2023A
#PLIB2023
#ISBN9782376864905

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