
De quoi ça parle ?
On est en 1914, à la déclaration de guerre. Gwen a tout juste quatorze ans. Il vient de perdre l’homme qui l’a recueilli, le vieux Braz, un rebouteux connu pour ses dons et son mauvais caractère. On est en Bretagne, une province où les légendes sont encore bien vivaces et celle de l’Ankou, le messager de la mort, fait frissonner les âmes les mieux trempées. Une nuit, pourtant, Gwen monte sur sa charrette noire et entreprend un voyage qui va le mener de l’autre côté du temps.

Et c’est bien ?
Autant le dire d’emblée : il s’agit d’un énorme coup de coeur. J’avais croisé l’ouvrage il y a des années, proposé par Ana Gavalda dans les recommandations jeunesse qu’elle faisait pour le magazine Elle. Oui, j’ai mis tout ce temps pour le lire, et je regrette de ne pas l’avoir fait plus tôt. La douane volante revêt pour moi la même richesse qu’un livre de Philip Pullman, de ces livres que l’on peut aussi bien lire jeune que plus vieux, en y trouvant tout autant de nourriture à travers cette lecture.
Cette histoire est relativement dure. Les personnages ne sont pas épargnés. Gwen, souffreteux, subit des épreuves particulièrement dures. Pauvre, cible des quolibets et rumeurs du village, c’est à la suite d’une agression qu’il lui semble être emporté dans la charrette de l’Ankou. Il se réveille sur une plage inconnus et commence, dans un étrange pays gardé par la douane volante, sa vie auprès du soldat Jorn et de sa belle fiancée, Silde.
L’atmosphère est frappante, l’auteur sème cet étrange ailleurs d’inventions dont on ne sait pas trop si elles sont surnaturelles ou réelles, bizarrement interprétées par un personnages qui ne connaît pas son nouvel environnement. Au fil de l’histoire, le ton devient plus sombre mais jamais désespéré. François place décrit une humanité parfois peu reluisante mais jamais foncièrement mauvaise. A travers la fourberie, les tromperies, les manipulations, la corruption, l’ignorance, Gwen côtoie pourtant l’amitié, trouve de l’aide. Rien n’est tout à fait blanc ni tout à fait noir. Jorn, Nez-de-Cuir, Ignaas, Matias, Abraham, les Poux… tous ont des travers mais Gwen y trouve aussi des êtres humains. Le personnage de Daer le pibil siffleur, un oiseau qui va accompagner notre jeune héros, m’a énormément plu.
La plume de l’auteur est également particulièrement marquante. Riche, dense, poétique, parfois cruelle, elle parvient à merveille à dresser différents tableaux, jouer avec les sentiments du lecteur, tisser une atmosphère moite, fantastique, brumeuse, sombre mais teintée d’espoir, parsemée de légendes et d’extraordinaires inventions dans une sorte de Pays-Bas du moyen-âge fantasmés.
Les termes abordés m’ont beaucoup parlé. L’obscurantisme – la « connerie humaine », comme disait le vieux Braz, mentor du jeune Gwen -est sévèrement battu en brèche. Du curé de paroisse qui ne donne les sacrements qu’à qui le reçoit comme il le souhaiterait, les médecins imbus d’une science qu’ils ne questionnent plus et qui ne leur sert plus que de piédestal social.
Ce roman s’inscrit dans le domaine du fantastique ; tout du long on se demandera si Gwen est passé dans un autre monde, s’il est mort, s’il a remonté le temps, s’il rêve… chaque bizarrerie trouve une potentielle explication rationnelle. Une aventure dont j’ai émergé avec le sentiment de sortir, comme Gwen, d’un autre monde, d’un ailleurs où j’avais plongé en sa compagnie. Un ouvrage extraordinaire, que je ne peux que conseiller, aux ados comme aux plus grands.
A lire si vous cherchez :
– un livre qui s’inspire de légendes
– une ambiance historique
– un héros qui ne baisse pas les bras devant l’adversité
Je ne connaissais pas du tout ce livre et je pense qu’il pourrait plaire grâce au contexte historique avec une touche de fantastique.
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Attention cependant, si on peut y voir une allégorie de ce contexte historique par certains aspects, il est néanmoins presque anecdotique. Ce n’est pas un roman qui parle concrètement de la Première Guerre Mondiale.
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